Notre démarche stratégique de transformation et de rassemblement, sur la base d'un bilan de la période écoulée et des enjeux de la période nouvelle - Congrès PCF

pour un communisme du "mouvement réel"

Dans la " Note nationale pour le débat " qu'il a rédigée pour l'atelier parisien de préparation au congrès " Luttes et combat communiste " du 7 mars 2018, Guillaume Roubaud-Quashie écrit : "La formule reprise de L'Idéologie allemande de Marx et Engels selon laquelle le communisme est " le mouvement réel abolissant l'état de choses actuel " (...) présente de nombreux avantages : anti-utopisme, refus de toute bureaucratie-guide... Mais comment penser que ce puisse être un objectif mobilisateur et compréhensible dans la société ?" Je voudrais argumenter à l'inverse : c'est au contraire parce qu'il est un mouvement réel que le communisme est mobilisateur et compréhensible. Car chacun peut toucher du doigt ses réalisations et y contribuer. A condition que le parti communiste, qui a pris toute sa part à ces réalisations, les désigne comme communistes ! Or c'est bien le problème : notre parti pose le communisme comme un objectif, pas comme un mouvement déjà commencé en France, et il ne désigne aucune institution conquise par la classe ouvrière comme communiste. Nous ne pouvons pas susciter une dynamique communiste si nous n'identifions pas le communisme aux conquis de la CGT et du parti communiste. Le communisme n'est pas une " visée ", pas davantage un " idéal " après lequel courir sans jamais l'atteindre, surtout si nous inventons une " étape socialiste " avant le communisme, ou si nous allons répétant que le communisme n'a encore connu aucune réalisation dans le monde, qu'il a été trahi, etc… au point que nous n'osons plus depuis longtemps, dans nos tracts, désigner comme communistes des situations concrètes : nous sommes dans l'autocensure permanente. Comme façon de rendre peu sympathique ce pour quoi on se bat, on ne fait pas mieux ! Nous sommes inaudibles non pas parce que les médias nous ignorent mais parce que nous ne sommes pas engagés dans la construction ici et maintenant de ce qui fonde notre utilité comme parti : le communisme. Un " mouvement réel ", ça s'exprime dans des réalisations, dans des actes, dans des institutions. Le documentaire "La Sociale" de Gilles Perret fait toucher du doigt l'immense fierté de militants qui ont pris à bras le corps l'édification du régime général de sécurité sociale en 1946, construit contre la sécurité sociale existante autour de trois principes frénétiquement combattus par le patronat, la CFTC, la SFIO, le MRP, les gaullistes, les fédérations de la CGT qui étaient en train d'organiser la scission de FO ou le séparatisme de la FEN : unicité du régime, unicité d'un taux interprofessionnel, gestion ouvrière. Les militants étaient seuls contre tous. Et il fallait de la détermination, dans un environnement politique et économique extrêmement défavorable, pour mener à bien une entreprise colossale : - convaincre des salariés, qui faisaient l'objet d'une intense propagande adverse, d'entrer dans le régime général ; - installer les nouvelles caisses à la place des multiples caisses patronales de compensation des allocations familiales, à la place des caisses départementales et d'affinité (mutualistes, à base syndicale CGT ou CFTC, ou patronales) des assurances sociales, sans oublier les compagnies d'assurance gérant les accidents du travail et maladies professionnelles, et les fédérer dans la Fédération Nationale des Organismes de Sécurité sociale (FNOSS) : - trouver en pleine pénurie immobilière des locaux assez grands pour les 123 caisses primaires de sécurité sociale et 113 caisses d'allocations familiales qui succèdent au millier de caisses précédentes. Trop souvent les locaux dénichés étaient, dès que le régime général disait son intention de les acquérir, préemptés par des administrations : une manifestation parmi tant d'autres de l'hostilité résolue de la majorité des ministres non communistes au régime général ; - opérer le reclassement de plus de 70 000 agents issus des anciennes caisses et porteurs, souvent, d'une hostilité idéologique à la caisse nouvelle et, toujours, de méthodes de travail très hétérogènes ; et négocier une convention collective avec les deux instances nationales employeuses - la FNOSS et, pour les personnels des CAF, l'Union Nationale des Caisses d'Allocations Familiales ; - remplacer le ministère du Travail et ses directions régionales de la sécurité sociale pour la collecte des cotisations, qui relevait désormais de la compétence directe des caisses, établir la liste des assurés, organiser les élections (y compris en imposant les bureaux de vote dans les entreprises) et former les premiers administrateurs. Comme l'écrit Henry Raynaud dans son rapport au CCN de la CGT préparatoire aux premières élections au régime général, début 1947 : " Une telle transformation administrative et sociale accomplie en six mois est sans doute un fait sans précédent dans notre pays. (…) La façon heureuse dont [les conseils d'administration] s'en sont sortis témoigne de ce qu'ils seront aptes à réaliser demain. " Si mener la lutte de classes avec une telle efficacité opérationnelle n'était pas commencer à réaliser le communisme, alors le communisme est une notion creuse. A ne pas voir le communisme là où il est concrètement on est démunis dans l'action. Le début de communisme qu'opère le régime général de sécurité sociale nous fournit une première piste d'action : sur son modèle, créer un régime général de subvention de l'investissement géré par les travailleurs, alimenté par une cotisation économique des entreprises se substituant au remboursement de leurs dettes d'investissement (dont elles seront libérées à hauteur de leur cotisation), régime qui conditionnera ses subventions au fait que les entreprises bénéficiaires deviennent la propriété patrimoniale d'une collectivité publique et la propriété d'usage de leurs salariés. Je prends un second exemple des réalisations communistes que nous avons à poursuivre : celui du statut communiste du travailleur qu'ont commencé à l'instituer le statut de la fonction publique, le régime des électriciens et gaziers, le régime général de sécurité sociale. Les fonctionnaires d'Etat ont été libérés du marché du travail par la loi Thorez d'octobre 1946 parce que c'est leur grade, un attribut de leur personne, qui est payé, et non pas leur poste. Le statut des salariés d'EDF-GDF tel que Marcel Paul l'a mis en place en juin 1946 relève d'une logique proche. Dans le régime général tel qu'Ambroise Croizat l'a créé en 1946, les parents sont payés (pour deux enfants : 225 h par mois de l'ouvrier spécialisé de la métallurgie), les retraités sont payés (ils ont droit au remplacement de leur meilleur salaire, et non pas comme dans l'AGIRC-ARRCO au différé de leurs cotisations passées), et donc là encore c'est la personne qui est la titulaire du salaire, et non pas l'emploi comme dans le capitalisme. Nos anciennes et anciens ont commencé à définir la personne comme ayant droit au salaire, et travailler au communisme aujourd'hui c'est agir pour que toute personne, à compter de sa majorité, soit titulaire d'un salaire à la qualification qui ne puisse ni être supprimé ni baisser parce qu'il sera lié à la personne même (et non pas à son emploi ou à son temps de formation). Faire du salaire un droit politique comme le droit de vote, voilà un agenda communiste qui nous mettra dans l'action offensive sur notre terrain en fédérant les luttes pour le statut des cheminots ou des fonctionnaires, pour les retraites comme droit à la poursuite du meilleur salaire et non comme différé des cotisations accumulées dans un compte, pour le premier niveau de salaire automatiquement attribué à tous à 18 ans, pour le maintien à 100% du salaire entre deux emplois, pour l'attribution d'un salaire à la qualification à tous les travailleurs indépendants (qui ne se paieront plus sur leur bénéfice mais cotiseront à la caisse des salaires). Propriété des entreprises, salaire lié à la personne : les anticipations de toutes ces conquêtes à venir sont déjà-là. Il n'y a aucune utopie dans le communisme, juste la capacité de s'emparer d'une dimension du présent pour en faire un outil de souveraineté populaire sur le travail.