Notre démarche stratégique de transformation et de rassemblement, sur la base d'un bilan de la période écoulée et des enjeux de la période nouvelle - Congrès PCF

Un défi à notre portée

La première question posée aux communistes n’est pas le parti communiste. Penser la révolution du monde en posant une organisation comme cadre de discussion ne peut que nous mener dans le mur. Ce prisme nous conduit immanquablement à nous éloigner des débats de fonds qui doivent impérativement être soulevés. L’heure n’est peut-être plus à poser les questions comme nous aimons tant faire à chacun de nos rendez-vous militants, mais à apporter des réponses. Dire cela peut paraître anecdotique mais en même temps, que dire d’une organisation qui commence l’ensemble de ses interventions par « le problème c’est que… » « Dans un contexte particulièrement difficile » etc. Si la question se pose, la réponse doit être trouvée. Les spectres du XXe siècle nous paralysent-ils tellement qu’il nous est impossible de les dépasser et d’imaginer collectivement une société communiste qui ne soit pas un outil de prédation et de calculs égoïstes ? Si nous persistons à contraindre nos débats à l’aune du parti politique, alors nous ne pouvons avoir d’autre horizon que celui de son actualité. Le risque est alors grand de voir nos échanges imparablement voués à l’infertilité et la péremption car seul le temps permet à l’idée de mûrir et de semer à son tour. Ce temps n’est pas celui de l’organisation politique qui doit adapter son agenda à des influences extérieures. Notre parti n’est qu’un outil au service d’une œuvre bien plus vaste. Néanmoins il semble que nous nous entêtions à prendre l’histoire à l’envers en définissant l’organisation comme finalité plutôt que comme vecteur. Certains appellent aujourd’hui à riposter nous plaçant dans une position réactionnaire, d’autres jugent que le moment est venu d’écrire un nouveau manifeste du parti communiste ; personne n’appelle malheureusement à subordonner les sujets matériels de l’organisation aux besoins impérieux de la réappropriation de la pensée marxiste. Que cherchent à accomplir les Marxistes au XXIe siècle et dans quelles conditions ? Le matérialisme historique n’est pas un dogme, et Marx n’était pas un prophète. La pensée du mouvement nous guide parce qu’elle est précisément une méthode qui nous permet d’agir et transformer le monde. Aussi pertinente soit-elle, elle ne peut souffrir d’être interprétée sans prendre en compte l’ensemble des éléments qui l’ont formée, notamment le contexte historique (ce qui serait d’ailleurs le comble du matérialisme historique). Cet outil nous aide à penser le monde mais il nous faut aussi nous mettre à sa hauteur en prenant en compte la perpétuation du mouvement ; c’est-à- dire en considérant l’évolution des rapports sociaux et en interrogeant à nouveau la pensée marxiste. En tant que marxistes, le XXe siècle nous aura fait passer par des sentiments contrariés, mêlant à la fois des expériences lumineuses et des prédations systémiques ignobles. Le recul de l’histoire et les analyses que nous faisons du siècle écoulé doivent nous permettre de ne pas regarder le révolu avec nostalgie, de la même manière que nous ne saurions porter la responsabilité de systèmes qui n’ont eu que très peu de rapport avec le marxisme. Notre parti est celui du mouvement, perpétuel et continu en faveur d’une humanité émancipée de toutes les formes de domination, fondée sur la justice et l’égalité. Dire cela ne revient pas à incanter un idéalisme naïf vers lequel nous ne pourrions que tendre infiniment sans jamais l’atteindre. Notre philosophie se dédie à la transformation du monde car elle en est le fruit ; et c’est en « scientifiques » des relations sociales et économiques que nous cherchons à développer les moyens qui nous mènent à une humanité transformée. Puisque le système que nous combattons évolue en permanence, ce qui est la preuve de sa vitalité constante, les communistes ont eux aussi la responsabilité d’ajuster leurs luttes aux nouveaux modes de production capitaliste qui transforment profondément les rapports sociaux tels qu’ils ont été appréhendés par le passé. Le mouvement d’internationalisation et d’atomisation des chaînes de production, globalisant la concurrence et favorisant donc le moins disant social, a beaucoup été étudié mais il semble que nous n’ayons pas pris la mesure des actions directes que nous pourrions envisager. La consommation de masse pourrait-être un élément de réponse que nous pourrions faire intervenir dans les dispositifs de lutte que nous mettons en œuvre contre la domination économique (cf l’expérience des syndicats Coca Cola dans la région de Madrid et le boycott de la consommation). Certaines des évolutions constatables aujourd’hui avaient été anticipées par les « intellectuels » (au sens gramscien) marxistes mais pas toutes, loin s’en faut. Les progrès de la technique et des sciences doivent aussi nous pousser à aller plus loin. Nous pourrions à cette condition avancer avec plus de détermination pour faire valoir un projet communiste moderne et fidèle à ses sources. Forts de ces réflexions, nous aurons toutes les clefs en main pour faire du parti communiste, l’instrument indispensable du réformisme révolutionnaire. Le constat est peut-être largement partagé de la prépondérance du réformisme dans notre volonté révolutionnaire. Il semble que nous manquions d’équilibre entre les jalons que nous voulons poser pour transformer la société capitaliste de l’intérieur, et les interventions immédiates que nous pourrions imaginer pour contribuer au succès de nos propositions. Nous dénonçons le racket généralisé des sociétés d’autoroutes et proposons une loi pour renationaliser les infrastructures ? Ouvrons aussi les barrières de péage sans attendre que notre proposition de loi soit rejetée à l’assemblée nationale. Plus largement, notre utilité peut aussi résider dans la prise de conscience collective de la dystopie dans laquelle nous vivons toutes et tous. Il y a un voile qu’il est nécessaire de déchirer entre la conscience individuelle / collective et la réalité sensible des conséquences de nos actions. C’est un combat qui doit se mener sur tous les fronts et qui implique un travail continu de vigilance et de conscientisation. En posant cette base de réflexion comme point de départ d’une stratégie à développer de conquête politique effective, force est de constater que chacun est coupable indirectement d’innombrables séries d’injustices, délits et crimes. Les processus d’aseptisation des rapports sociaux ne font pas longtemps illusion face à la critique des fondations du système économique. La marchandisation du vivant et de l’inerte nous conduit par notre rôle de consommation à nous associer dans l’échange (quelle qu’en soit la nature) à la chaîne de misères qui s’abat sur l’ensemble des dominés. Notre complicité aveugle, finance alors les exploiteurs, qui auront tôt fait d’utiliser le capital ainsi accumulé pour faire perdurer l’exploitation tout en l’élargissant aussi loin que porteront les frontières de l’humanité. Nous ne sommes pas marchands d’armes et pourtant, combien des choses dont nous jouissons, combien de moments dont nous nous enivrons sont à la fois la cause et la conséquence des malheurs de nos frères et sœurs en humanité ? L’objet n’est pas ici de tomber ni dans la caricature grotesque ni dans l’auto flagellation inefficace, mais bien dans la prise de conscience que cet état de conséquences ne saurait rester irrésolu par le mouvement progressiste. Cela d’autant plus que le capitalisme organise l’exploitation du prolétariat (de pays en voie de développement généralement) par la consommation du prolétariat (des pays industrialisés). Tout en les mettant en concurrence dans un cercle vicieux ignoble. Devons-nous attendre que nos idées triomphent hypothétiquement dans le système démocratique, ou mettons- nous en place des organisations qui permettent de semer immédiatement les graines d’une société nouvelle ? Notre devoir n’est-il pas alors de construire une alternative cohérente, solide, intégrante ; construire un modèle qui permette d’appréhender l’humanité, c’est-à- dire l’universel, de sorte à ce qu’il ne reste plus de souffrance que le strict nécessaire à la joie ? En tant que marxistes, nous sommes lucides sur un bon nombre de mécaniques systémiques et nous devons en faire état. Chacun, chacune est capable de percevoir la sueur, le sang et les larmes nécessaires à la marche du monde capitaliste. C’est la souffrance universalisée qui permet à la machine de persister dans son entreprise de dénaturation de l’humanité.