Nouveaux modèles d'organisation - Congrès PCF

Une nouvelle théorie d’organisation pour un PCF du 21ème siècle

Les nombreux reculs du mouvement social, qu’ils soient d’ordre politique, idéologique ou organisationnels, ont été nombreux depuis la fin des années 1970. Intensifiés avec la désindustrialisation croissante et la disparition de nombreux bastions ouvriers, les forces libérales ont vu leurs oppositions se diviser et s’effriter. La chute du bloc soviétique, référence pour une large fraction du mouvement ouvrier pendant plus d’un demi-siècle, a accentué cela, et en particulier le Parti communiste français a été traversé jusqu’à récemment de nombreuses difficultés et hésitations. Depuis le milieu des années 2000, le renforcement du mouvement communiste a été notamment dû à celui du Mouvement Jeunes Communistes de France (MJCF) et de son organisation étudiante, l’Union des Étudiants Communistes (UEC). Ce rajeunissement du mouvement communiste a notamment apporté de nombreux cadres politiques, à même de renforcer l’organisation interne du PCF mais aussi de porter le projet politique des communistes plus largement dans le monde du travail et dans la société. Surtout, nos organisations sœurs apportent au PCF, au mouvement communiste, des points d’accroche incontournables parmi les jeunes travailleurs qualifiés de demain, notamment les plus populaires. Pourtant, la fracture générationnelle persiste au sein du PCF parallèlement à ce rajeunissement, en raison du passage à vide au cours des années 1990 et 2000. Le PCF se voit ainsi partagé entre les anciennes franges progressistes du monde du travail d’avant les années 1990, et la génération montante de jeunes plus ou moins qualifiés et soumis à la nouvelle organisation libérale du monde du travail. Les structurations et cadres internes de nos organisations sœurs, le MJCF et l’UEC, traduisent leurs volontés respectives d’organiser le plus efficacement leurs milieux, de former avec brio leurs dirigeant.e.s nationalement et localement, d’obtenir des victoires politiques sur leurs lieux de militantisme sans faire l’impasse sur la démocratie. De son côté, le PCF reste en partie braqué par la question du centralisme démocratique, tâtonne idéologiquement, notamment les camarades d’avant 1991, sous prétexte que toute forme d’organisation de ce type serait potentiellement antidémocratique et contraignante. D’autre part, certaines franges du PCF comme du mouvement social nourrissent un rapport folklorique à l’histoire du mouvement ouvrier, à l’histoire du bloc soviétique. Un rapport nostalgique au passé des organisations communistes est également nourri, de même que des visions fantasmées quant à certains anciens dirigeants nationaux du PCF et leurs positionnements politiques d’avant 1991. Cela entraîne clairement des blocages qui nuisent non seulement à la capacité de réflexion et d’action du PCF, mais aussi à celles de l’ensemble du mouvement communiste. Nos camarades de moins de 30 ans ne veulent pas vivre dans la nostalgie d’un passé qui leur est étranger, mais étendre les libertés, le progrès social, la solidarité dans tout le pays et ce au quotidien. Plus largement, le mouvement social continue de voir émerger depuis plusieurs décennies des franges éparses en son sein qui cherchent à justifier, en tordant les faits historiques, des positionnements réactionnaires sur l’immigration, le féminisme et les questions étudiantes. Sur les questions européennes et internationales, ces dimensions folkloriques et réactionnaires sont également à l’œuvre plus ou moins consciemment envers d’anciens pays du bloc soviétique, envers des partis communistes et progressistes actuels, et des grilles de lecture dépassées et calquées sur les modalités pratiquées avant 1991 sont à l’œuvre envers les forces progressistes d’Amérique Latine, d’Afrique et d’Asie. Plus largement, la crise économique détruit les solidarités historiques et peut entraîner dans la réaction des franges du monde du travail jusqu’alors progressistes. Les logiques attrape-tout du mouvementisme, du citoyennisme et du populisme à gauche traduisent aussi une faiblesse et une fragilité de l’implantation locale des nouvelles forces politiques dans le monde du travail et dans la société. Si le PCF a résisté à la chute du bloc soviétique, c’est grâce à ses militants, puis au renforcement du MJCF et de l’UEC depuis le milieu des années 2000. C’est aussi grâce à l’attachement historique du PCF et de ses militantes aux cadres démocratiques, à la République sociale et au pluralisme issu de la Révolution française. Et surtout c’est grâce aux grandes conquêtes historiques auxquelles ont oeuvrés les communistes en France, en premier lieu la Sécurité sociale. Loin des clichés, le siècle passé a été marqué par l’effervescence du militantisme communiste dans de nombreuses franges de la société française avec nos organisations soeurs, avec la création de nouvelles sociabilités progressistes pour permettre l’émergence de nouveaux cadres démocratiques, pour permettre le communisme en France. Alors que l’air du temps consiste à se vendre comme une marque, à choisir des noms sans contenu politique, le Parti Communiste Français a la force de la clarté avec son nom séculaire et doit donc continuer à le porter haut et fort. Pour rassembler largement, il faut d’abord définir des priorités politiques, et donc cliver. À partir de là, c’est un travail militant de conviction, de débat avec les non-communistes qu’il faut mener pour les faire adhérer au PCF. Ce travail ne peut se faire au hasard : c’est une nouvelle théorie d’organisation du PCF qu’il faut construire. Face aux évolutions récentes du monde du travail, c’est la nouvelle classe ouvrière que notre parti se doit d’organiser et de rassembler en priorité, en alliant autour d’elle les autres franges plus qualifiées du monde du travail, les franges progressistes, révolutionnaires et féministes de la société. Notre objectif doit être affiché : non pas gouverner et gérer le capitalisme, mais permettre la prise du pouvoir démocratique des travailleurs et des travailleuses à tous les échelons du pays. Le militantisme doit donc être repensé : nouveaux lieux de travail, nouveau lieux de militantismes, nouvelles préoccupations sociales, nouvelles problématiques propres aux travailleurs du 21ème siècle. La pratique quotidienne doit être la base de la réflexion théorique pour rendre notre action politique efficace et pour améliorer profondément nos cadres démocratiques internes. L’organisation libérale à l’œuvre dans le monde du travail soumet les travailleurs, de la nouvelle classe ouvrière aux travailleurs les plus qualifiés, à une précarisation croissante et au licenciement potentiel. Notre priorité doit être d’organiser les franges progressistes et révolutionnaires du monde du travail de manière démocratique, efficace et solidaire. Aucun camarade, aucun travailleur, aucune travailleuse ne doit voir sa formation ou son emploi hypothéqué par son engagement communiste, par sa sympathie avec le PCF : c’est une rigueur, un sérieux et une ferveur militante qui sont à déployer pour parer les offensives libérales et obtenir des victoires politiques concrètes dans le monde du travail. Nos dirigeants nationaux et locaux doivent également être à l’image de notre projet politique révolutionnaire, en phase avec celles et ceux que nous voulons organiser, pour une audience renforcée, pertinente et légitime. Chaque communiste, comme tout travailleur, doit pouvoir vivre de son travail, participer à la vie démocratique, disposer de loisirs personnels. Cela veut aussi dire que le cumul des mandats de direction et d’élu politique doit cesser au PCF, et la durée cumulée des mandats restreinte à 5 ans, pour permettre une répartition des fonctions de direction et électives dans le parti et dans les institutions du pays. Notre militantisme, notre structuration démocratique doit être à la hauteur de ces objectifs : il faut rompre avec la logique de courants internes qui délégitime sciemment les directions nationales et locales du PCF pourtant élues démocratiquement par les camarades, logique qui se propage indirectement dans l’ensemble du mouvement communiste. C’est un centralisme démocratique rénové qui est à construire, en s’appuyant sur les commissions de travail (économie, école, féminisme, communication, Europe, International) et les réseaux des revues « Cause commune » et « Progressistes ». Ce sont de nouveaux cadres démocratiques législatifs qui sont à instaurer et à développer pour permettre l’échange entre tou.te.s les communistes (dirigeant.e.s, élu.e.s, militant.e.s) pour permettre la réflexion, l’action politique en tenant compte des points de désaccord. L’efficacité des nouveaux cadres démocratiques peut s’inspirer des expérimentations progressistes à l’œuvre dans le monde du travail : direction démocratique des SCOP, organisation en réseau des associations… Porter des cadres politiques nouveaux, cela passe par de nouveaux dirigeants, mais aussi une réelle politique de cadres qui les forme et les met en responsabilité au sein des directions nationales et locales du PCF : notamment la nouvelle classe ouvrière, les jeunes et les femmes. Il faut aussi échanger avec les directions nationales du MJCF et de l’UEC, dans le respect des cadres internes propres à chaque organisation du mouvement communiste, pour renforcer les discussions et échanges politiques communs qui concourent au renforcement des organisations du mouvement communiste et de leur audience ; et aussi pour s’inspirer de leurs fonctionnements et les adapter en partie pour répondre aux problématiques du monde du travail et de la société. Loin d’être une force politique dépassée, le PCF a la force de son histoire, la force de la jeunesse. En s’engageant dès maintenant dans l’organisation des nouvelles franges progressistes et révolutionnaires, le PCF a la capacité de redevenir le parti des classes populaires, le parti qui remet au cœur du débat politique les questions économiques et sociales, la solidarité internationale des travailleurs, le féminisme. Pour le monde du travail, pour le pays, soyons la force de progrès au rendez-vous pour étendre et promouvoir au quotidien les libertés, le progrès social et les solidarités.