Notre démarche stratégique de transformation et de rassemblement, sur la base d'un bilan de la période écoulée et des enjeux de la période nouvelle - Congrès PCF

D’une sociétété en dérive à une société intégrative

Contribution à la réflexion pour le congrès du PCF- Jean Le Duff Département d’Ille et Vilaine le 14/06/2018 Avant-propos : je publie cette contribution au moment ou un film d’animation intitulé « Un homme est mort » sort au festival d’Annecy. Ce film traite de l’assassinat par les forces de l’ordre en 1950 de l’ouvrier du bâtiment André Mazé à Brest. Je n’avait pas 16 ans. Il était un martyr de plus de la répression contre la classe ouvrière menée par les gouvernements de la IVème République soutenus par la droite et la Social démocratie depuis le mois de juin 1947. Il fût un temps où les congrès du PCF proposaient à la discussion des camarades des « Thèses » pour expliciter les réalités de la société capitaliste auquel le parti se confrontait. Le terme de « Thèse » qui fait le plus communément référence à un « Doctorat » peut sembler un peu présomptueux mais il sous-entendait, qu’il était absolument nécessaire de bien comprendre ce que la société capitaliste à laquelle nous étions confrontés avait de singulier pour mieux la combattre. Ce qui me surprend aujourd’hui, quand je balaye les sept ou huit dernières décennies de notre histoire, c’est de constater, à tort ou à raison, que le PCF de 2018 dans ses pratiques, même s’il est bien obligé de s’adapter aux évolutions de la société provoquées par le capitalisme financier, n’a pas véritablement pris le temps d’observer de près les bouleversements qui en sont résulté au plan des mentalités, et, partant, sur la nécessité d’une actualisation de nos pratiques politiques et militantes. Ne serait-il pas nécessaire de revisiter toute cette période de notre histoire pour bien comprendre la réalité d’aujourd’hui, pour bien comprendre ce qui nous a probablement échappé au fil du temps et surtout pour en retirer les enseignements qui nous permettront de sortir de l’ornière dans laquelle nous sommes embourbés. La IVème République et la lutte des classes. Elle s’est mise en place sous les meilleures auspices pour le PCF. En 1946 la constitution a été adoptée par référendum en octobre à plus de 53 % (9 297 470)dans le cadre d’une participation à près de 68 % . De Gaulle et l’extrême-droite appelaient à rejeter ce projet qui était soutenu par le PCF et la SFIO. Il faut savoir qu’un premier projet plus révolutionnaire avait échoué en mai avec plus de 57 % de non (10 584 359) contre 42 % (9 454 034) de oui. La participation avait été de près de 80 %. Ce premier projet était soutenu par le PCF et la SFIO. Le projet adopté constituait une sorte de compromis entre le PCF, la SFIO et le MRP. En juin 1945 le Xème congrès du PCF propose à la SFIO de fondre les deux partis dans un seul parti ouvrier mais la tendance sociale-démocrate animé par Léon Blum qui nie la nécessité d’assumer la réalité de la lutte des classes s’y oppose. Il n’y aura pas de grand parti ouvrier en France. En novembre 1946 ont lieu les élections législatives. Le PCF y obtient 28,26 % des suffrages, la SFIO 17,87 % et le MRP 25,86 %. Un autre parti qui s’intitule Rassemblement des Gauches obtient 11,12 %. Le Parti Républicain de la Liberté obtient 12,94 %. La classe capitaliste, qui fait profil bas après ses compromissions dans la collaboration, se dissimule sous des couleurs variées. Le MRP est pour elle un bon refuge car on y trouve aussi une partie de la classe ouvrière sous influence catholique. Le PCF progresse et apparaît comme le premier parti de France. Le premier gouvernement de la IVème République, compte tenu du poids relatif des partis principaux se doit d’être rassembleur dans la continuité de l’union de la Résistance. De plus le rôle du PCF dans la Résistance, le prestige de l’Armée Rouge comme première force dans la bataille contre le nazisme rendrait insoutenable à l’époque la mise à l’écart directe du PCF aux yeux d’une grande partie de la population. Ce gouvernement ne durera que jusqu’en Mai 1947. Nous sommes à la veille de la mise en œuvre du Plan Marshall. La présence des communistes au gouvernement est un obstacle à sa signature. Ils seront virés et dès lors, compte tenu de leur représentativité dans la population et particulièrement dans la classe ouvrière la social-démocratie et la droite devront faire bloc pour le maintenir hors du gouvernement. La classe ouvrière mène des luttes importante dans ce contexte, luttes qui vont durer tout au long des années 50. Le PCF continue d’être soutenu par la classe ouvrière mais jamais il ne parvient à intervenir efficacement au niveau gouvernemental. La répression est parfois très dure particulièrement dès 1947. Le PCF ne pouvant au plan gouvernemental produire des avancées significatives, compense ce blocage en développant des politiques locales innovantes et audacieuses que l’on reconnaîtra par la suite comme un « communisme municipal ». Parallèlement il soutient comme une perspective d’avenir ce qui se passe dans les pays rassemblés autour de l’URSS. Cela semble d’autant plus cohérent que le « camp socialiste » soutient les mouvements de décolonisation, ceci alors que le peuple de France doit affronter la guerre du Viet-Nam, la répression à Madagascar par exemple. C’est aussi l’époque où une véritable guerre féroce est menée en Indonésie contre le parti communiste plus influent encore que le PCF en France. Si notre parti avait été aussi influent que la parti communiste indonésien il est vraisemblable que nous aurions du faire face chez nous à des affrontements de même ampleur. Tout ceci pour faire bien comprendre que nous étions dans une situation bloquée, un déni de démocratie évident de la part des partis de droite et de la social-démocratie. C’est ce déni de démocratie, éprouvé par la population alors que durait une guerre qu’elle récusait majoritairement, la Guerre d’Algérie, c’est ce déni de démocratie qui la conduisit à penser que De Gaulle allait y mettre de l’ordre. Ainsi la IVème République, bien qu’adoptée par référendum fût le régime politique le plus court de notre Histoire, plus court encore que le 1er Empire. En même temps c’était la porte grande ouverte au forces capitalistes dont les grands valets investirent l’appareil d’État. Nous allions payer très cher la régression politique que ce choix traduisait, à la fois parce que la réalité de la lutte des classes n’était pas comprise par une partie suffisante de la classe ouvrière pour permettre de contenir les forces du capitalisme et que la partie non consciente de cette réalité, essentiellement influencée par l’église catholique pensait qu’il fallait bien en passer par la collaboration de classes. C’est dans ce contexte qu’une conjonction s’établit entre cette partie de la classe ouvrière et la social démocratie dont le projet majeur fut de créer la CFDT. Dont nous savons aujourd’hui les rapports avec l’État capitaliste autoritaire qui sévit dans notre pays. La loi El Khomri en est l’un des aboutissements. Le sens profond de ces événements, ce qu’ils exprimaient fondamentalement, c’est que la conscience de la réalité de la lutte de classes n’était présente que dans une minorité de la population française, en gros celle qui continuait à voter communiste et qui porta ses suffrages à Jacques Duclos à hauteur de 20 % en 1969. En même temps, l’investissement compensatoire du PCF sur les territoires où son influence restait considérable a entraîné des comportement tactiques visant à établir des compromis locaux avec les forces locales dites de « gauches » dans un contexte où la lutte idéologique menée par la droite et la social-démocratie était particulièrement âpre. Qu’on se souvienne. On n’attaquait pas le PCF sur sa politique en France mais sur le fait qu’il continuait à se référer à l’URSS et à l’expérience soviétique. On ne pouvait attaquer le PCF sur la politique qu’il soutenait parce qu’il était le seul grand parti qui avait mené une bataille exemplaire pour que se termine la guerre d’Algérie et parce que ses réalisations municipales étaient exemplaires. En même temps la politique d’union des forces populaires qu’il promouvait répondait aux attentes d’une grande partie de la population. Comme aujourd’hui la compromission de la social-démocratie avec le capital l’avait fait voler en éclat. Elle tentait de se recomposer avec la FGDS, mais c’est Mitterrand qui a su exploiter au maximum l’aspiration populaire à l’union tout en affirmant son objectif de réduire l’influence du parti communiste. Nous avons pensé pouvoir le contraindre par une sorte de contrat qu’on nommait programme commun de gouvernement. Cela aurait pu marcher dans une situation ou la conscience de la nécessité d’assumer la lutte de classes aurait été majoritaire. Les résultats de Jacques Duclos en 1969 ont malheureusement montré que ce n’était pas le cas. A l’époque nous n’avions malheureusement pas de politique de rechange possible. Les résultats des présidentielles de 1981 ont confirmé que notre position, dans ce contexte n’avait pas fait progressé la conscience de la nécessité d’assumer la lutte de classes et qu’elle avait contribué à ravaler la façade de la social-démocratie. Les citoyens qui se réclamaient de la « Gauche » ont confié le leadership de la « Gauche » au PS et à Mitterrand. La première conséquence a été la réduction de notre influence de terrain. Le PS et Mitterrand, après avoir fait semblant jusqu’en 1983 d’appliquer le programme commun opérèrent le « tête-à-queue » social-libéral dont la loi El Komhri est l’aboutissement. Du compromis aux compromissions Mais ce n’est pas tout. La régression de la conscience de classes que traduisait la situation était notoirement marquée par le fait que la classe ouvrière ne se mobilisait à hauteur des nécessités. Au développement du chômage les gens qui avaient encore un emploi réagissaient en se trouvant « chanceux » d être épargnés. Aux présidentielles de 1988 notre influence s’était réduite de près des omhrydeux tiers. Nos élus, dans l’urgence, ont accentué la systématisation des tractations électoralistes en tentant dans chaque département des accords de donnant-donnant. Ce n’est pas la même chose de négocier quand on est en position dominante ou quand on est dominé. Dans le même temps, très souvent, les moyens financiers du parti se réduisant du fait de la perte d’adhérents, les reversements des élus devenaient un appoint essentiel. Au sein du parti le débat nécessaire sur les contradictions entre notre visée fondamentale et les accords opportunistes pour répondre aux contraintes d’urgence a été étouffé, consciemment ou non, et la parole des élus a pris le pas sur la parole du parti. On peut comprendre, qu’ici ou là, les contraintes de gestion puissent placé nos élus en position délicates quand leur élection n’a été possible qu’en acceptant des compromis imposés par un accord initial, mais, c’est justement dans ce cas que la parole du parti doit être claire et sans ambiguïté. Quand on doit négocier alors qu’on est dominé, si nous ne gardons pas une capacité suffisante pour faire entendre la visée que nous portons, le compromis potentiel cours le risque de devenir compromission. Les contradictions sont dans la réalité. Ce sont ces contradictions qui dans la dernière période ont accentué notre affaiblissement. Le côté négatif des contradictions ne s’est imposé que parce que la parole du parti a été le plus souvent inaudible. Si la parole du parti ne reprend pas vigueur, son avenir sera compromis. Mais rien n’est inéluctable. Confrontation d’opinions ou argumentation ? Les causes du développement des postures populistes Il n’est pas inutile d’observer comment les mentalités et les comportements ont évolué depuis la Libération. Il serait utile de prendre en compte les avancées des sciences humaines : sociologie, Psychologie individuelle et sociale notamment, leur apport à la compréhension du fonctionnement des organisations. Les mouvements populaires sont toujours des réactions à des contraintes ou des régressions devenues inacceptables. Chacun peut se forger une opinion sur ce qui produit ces contraintes et ces régressions. Une opinion peut-être confortée par des observations, des analyses. Dans ce cas l’opinion devient argumentation. Une argumentation est d’autant plus pertinente qu’elle prend en compte une multiplicité de facteurs. La réalité est complexe, les facteurs interagissent entre eux. C’est ce que Marx nomma le « matérialisme dialectique » et plus près de nous des sociologues et philosophe comme Edgar Morin en parlant de « complexité ». Selon la diversité et la pondération des facteurs que l’on prend en compte notre compréhension du réel est plus ou moins pertinente. Or les contradictions interne aux sociétés capitalistes font apparaître leur incapacité croissante à répondre aux préoccupations des populations. Cette réalité s’est renforcée avec le capitalisme financier. Cela a conduit les décideurs du capitalisme financier omhrydevenu dominant à se recentrer sur un minimum d’indicateurs pour eux essentiels. On peut affirmer que pour échapper à la mise en évidence de ses incapacités à répondre aux aspirations des populations le capitalisme est de plus en plus conduit vers des réponses simplistes aux problèmes complexes. Par exemple, l’essentiel pour le capitalisme aujourd’hui, c’est l’inflation des capitaux mobiles. C’est son moyen privilégié de maîtriser les circuits de l’argent. Les capitaux investis dans la production n’ont plus pour lui qu’un intérêt dérivé secondaire. Ils sont intéressants dans la mesure où ils impliquent une situation de placement défini et limité dans le temps et un taux de rendement suffisamment élevés. C’est à ce titre que les « start-up » et leur chef de file intéressent le capital financier. Il recherche des personnalités compétentes, créatives et pugnaces susceptible de sécuriser les prêts qui leur sont faits. Ce sont eux qui devront assumer la rigueur des contraintes imposées. Ce sont eux qui devront reporter les contraintes qui leurs sont imposées sur les catégories sociales qu’ils dominent eux-même, essentiellement les salariés. On peut remarquer d’ailleurs qu’en parlant de start-up on met en avant le lancement des entreprises mais que l’on est beaucoup plus silencieux sur celles qui échouent. Ce n’est pas pour autant qu’elles fragilisent le capital car les contraintes et les garanties sont telles qu’il fini par s’y retrouver. Mais revenons à cette nécessité pour le capital de promouvoir le simplisme. C’est sa méthode fondamentale de défense aujourd’hui, son arme idéologique la plus efficace. Avec le néo- libéralisme il est parvenu a accréditer l’idée que sa valeur fondamentale était la promotion de la Liberté, appuyé par une partie non négligeable de la social-démocratie. Avec l’échec du modèle soviétique il a promu l’idée de son indépassabilité : « Ainsi donc, ainsi donc, il n’y aurait plus rien à faire ? » chantait Jean Ferrat pour rendre compte de ce constat en 1991 quand l’URSS s’effondrait. Cet axiome s’est trouvé renforcé en 2007 avec la volte-face idéologique de la République Populaire de Chine qui à ouvert la porte aux investissements capitalistes sur son territoire, validant de fait l’objectif de l’inflation capitaliste mondialisée. Ces nouvelles réalités ont aboutit à ce que dans notre pays le niveau de conscience des populations soient sérieusement affectés. Le communisme n’étant plus une option crédible apparemment, il n’y avait plus rien à expliquer, il n’y avait plus d’argumentation crédible. Il s’agissait seulement de se défendre, chacun pour soi quand la riposte collective était tenue en échec. Ainsi, ,le simplisme de l’idéologie capitaliste a nourri les populismes d’extrême-droite et d’extrême-gauche au détriment de la réflexion et de l’analyse. Capitalisme et Populismes même combat pourrait-on dire ! En se laissant ballotter entre le « sauvons les meubles » des alliances d’opportunité avec la social-démocratie et la tendance à rester parer du drapeau de la radicalité révolutionnaire du langage d’un Mélenchon dérivé de la social-démocratie, le PCF, dans un monde où les dominants et les moyens de communication dont ils jouent lui sont intrinsèquement hostiles est devenu peut visible, malgré la combativité, le nombre encore important et l’implication de ses militants. Comment en sortir ? Remettre le parti sur ses pieds, je veux dire sur sa base. C’est de cette réalité dont doivent débattre les communistes à l’occasion de leur prochain congrès pour sortir de leur embourbement. C’est à partir de cette analyse qu’ils parviendront à repenser un parti en lien avec la population, un parti laboratoire d’idées et promoteur d’initiatives et d’actions capables de recréer un rapport de forces capables de faire reculer le capitalisme financier. Un tel parti implique une plus large écoute des gens, une plus large attention à ce que pensent et disent les militants de base pour les mettre en débat. C’est la parole montante qui est porteuse de progrès décisif. La parole centrale n’est validée que parce qu’elle est porteuse de ce qui remonte, passer au tamis des analyses économiques et sociales, fondées sur les apports des sciences humaines. C’est incontournable si on veut que la condition humaine redevienne vraiment centrale et porteuse de la nécessité de préserver notre planète, notre seul refuge. Ceux qui pense que le temps des partis est fini cèdent en fait aux postures populistes. Celles qui s’avèrent prépondérante passent toujours par la soumission à un leader d’opinion qui ne s’impose que par son charisme du moment et ses capacités communicatives, souvent épaulées par les médias dominants qui peuvent le servir dans la mesure où il n’inquiète pas la classe dominante. Un parti politique est une organisation qui doit fonctionné comme un laboratoire d’idées, capable de promouvoir des opérationalisations. Ce n’est qu’à cette condition que nous pouvons être crédible. Toute organisation pour pouvoir atteindre ses objectifs a besoin d’une instance qui définisse les objectifs et les moyens de les atteindre. Toute organisation a besoin d’un exécutif pour mettre en œuvre les orientations de l’instance délibérante. Mais toute organisation a besoin d’une instance qui puisse traiter les alertes qui peuvent résulter d’opérationalisations incohérentes ou infondées. Souvent, dans un premier temps, ces alertes sont portées par peu de camarades dont les réactions courent le risque d’être stigmatiser comme hostiles. Il faut pouvoir les traiter institutionnellement. On ne peut en débattre sereinement quand elle sont traitées par des instances exécutives.