Écologie, enjeux de classe et projet communiste - Congrès PCF

Des lieux-Communs pour un Congrès "extraordinaire" ?

Alain Obadia, président de la fondation Gabriel Péri, souhaite installer "les Communs" au centre du débat de pré-congrès du PCF fixé à fin 2018. Annoncé comme "Idées communistes et marxistes" (p.I), son article dans CommunisteS (supplément à l'Humanité) du 21 février est finalement titré "Les idées communistes et l'opinion, une enquête riche d'enseignements" (p.IV). Mais en n'autorisant la publication intégrale de l'enquête ni par la Fondation qu'il préside, ni à l'institut qui l'a menée (Viavoice), il s'arroge le droit d'être le seul à tirer de "riches enseignements", de cette enquête sur les idées communistes et marxistes dans la France d'aujourd'hui. Est-ce pour mieux installer la conclusion à laquelle il aboutit finalement lui-même ? « Cette thématique des biens communs (au sens le plus large du terme) est probablement une voie à explorer. Elle peut être de nature à renouveler les propositions et le projet d'un communisme du XXIe siècle »1. Voyons pourquoi ça ne saurait guère être le cas. Les Communs contre "l’hypothèque communiste"... En cela, il souscrit pleinement aux affirmations de Benjamin Ciorat, pour qui, « les communs, c'est déjà l'alternative en actes ». Dans la préface à l'opuscule « Propriété et communs » [2], celui-ci prophétise pour sa part : « je ne crains pas de l'écrire : si le XXe siècle s'est achevé avec la chute du mur de Berlin, le XXIe siècle s'ouvre quant à lui avec l'efflorescence des communs, partout dans le monde, et leur grand retour. Oui, je le soutiens : le XXIe siècle, pour les laissés pour compte du monde entier, sera marqué de l'empreinte des communs. Le commun c'est déjà, en actes, un des éléments clés de l'alternative que depuis des décennies nous cherchons à construire » (p.9). Ainsi, selon lui, « avec le commun c'est un monde nouveau qui s'ouvre ». L'ouvrage du Mouvement Utopia « Propriétés et communs [3] » l'affirme aussi : « entre le privé et le public, nous assistons un peu partout dans le monde à une renaissance des communs » ! Cette "renaissance" a été « dynamisée par l'apparition des communs informationnels (logiciels libres, Wikipédia, licences Creative Commons...). Mais, attention : contre "l'idée reçue n°2", les communs ne sont ni le communisme, ni le collectivisme : « ces appellations sont devenues depuis longtemps péjoratives pour qualifier les dérives des idéaux communistes ». Aujourd'hui, les communs « (ré)inventent une nouvelle forme de propriété. Celle-ci est un troisième type de propriété, ni privée ni publique ». Avec cette conviction : « de fait, la sphère des communs – celle dans laquelle les contributeurs qui créent du commun ou s'appuient sur du commun pour produire et redistribuer – est une sphère qui peut transformer profondément la sphère privée », sous l'égide du seul "Buen Vivir", la "vie bonne" des latino-américains. Le pot [des] Communs est donc un fourre-tout, comme P. Dardot et C. Laval l'admettent : « le mot "communs" est un mot d'ordre, un emblème. Mais, parce que cette catégorie semble représenter des éléments déjà là, donnés dans la nature, dans la société et dans l'intelligence, elle trouve ses limites dans l’hétérogénéité des "biens" et des "datas" qui sont l'objet des nouvelles "enclosures" » (p.136). Car s'il y a une « archéologie du commun », elle se réfère plus aux "enclosures" (l'enclôture) des droits coutumiers ruraux par les propriétaires fonciers nobles d'avant la révolution industrielle, et davantage à Proudhon qu'à Marx. Oubliant que Marx avait répliqué à la "Philosophie de la Misère" de Proudhon (« la propriété c'est le vol ! »), par son pamphlet : "Misère de la philosophie" (1847). P. Dardot et C. Laval attribuent cette "renaissance" actuelle de la thématique des communs à Naomi Klein, égérie de l'altermondialisme des années 2000, d'une part, et à Chantal Mouffe et Ernesto Laclau, théoriciens du « populisme de gauche » des années 2010, d'autre part. Pour eux, ce terme de « commun » désigne plutôt, « non la résurgence d'une idée communiste éternelle, mais l'émergence d'une façon nouvelle de contester le capitalisme, voire d'envisager son dépassement » (p.16), d'envisager seulement. Mais il est surtout clair que pour eux, il s'agit, à travers les Communs, de lever définitivement "l'hypothèque communiste", qui est celle « du communisme contre le commun » (titre du chapitre 2). Les "Communs" contre le communisme Dès 2009, en réponse à la question "de quoi communisme est-il le nom ?", Christian Laval indiquait déjà que pour lui, « le marxisme dans sa forme classique, avec sa foi progressiste dans la nécessité historique de l’œuvre destructrice du capitalisme, est incapable de donner une expression politique à cette norme du commun dans toutes ses dimensions, y compris les plus simples et les plus archaïques. Le communisme, s'il doit avoir un avenir, ne pourra que rompre avec son interprétation marxiste » ! [5] C'est que, souligne Jean-Pierre Garnier, « le pseudo-concept de "commun", (re)mis à la mode par, entre autres, le duo Dardot-Laval, est censé ouvrir une voie nouvelle pour la « révolution au XXIe »4. Pour lui, « l'ouvrage où ils l'ont remis sur orbite est en fait un tissu de... « lieux communs » réformateurs rédigés dans un jargon académique et pédant qui font la joie aussi bien des idéologues les plus chevronnés de la deuxième droite que des anarchoïdes, réunis dans un anti-communisme partagé » [6]. Pour le sociologue et urbaniste - anarchiste et communiste assumé - le recours au(x) commun(s) poursuivrait surtout l’objectif suivant : « Plus d'affrontement, donc, avec les possédants, leurs représentants et leurs « forces de l'ordre ». « Le commun » a le don, en effet d'englober tout ce qui peut et doit devenir commun à la communauté des humains, la division en classes de la société capitaliste s'effaçant comme par miracle, un peu comme lorsque le directoire du capitalisme globalisé et ses relais médiatiques évoquent la soi-disant « communauté internationale » à l'échelle planétaire. Par conséquent, fini le communisme, place à la communion. Après les communistes honnis, voici venir le temps béni des communiants ». Il cite également en ce sens Enzo Traverso, en conclusion de son livre, Où sont passés les intellectuels ? : « Ce qui me paraît certain, c'est qu'il n'y aura plus de révolutions menées au nom du communisme, tout au moins de communisme du XXe siècle […] On peut formuler l'hypothèse que les futures révolutions ne seront pas communistes comme au XXe siècle, mais se feront pour les biens communs qu'il faut sauver de la réification marchande ». Pour J-P Garnier, « ce genre de fable va permettre en tout cas à une foule de réformateurs – pas même réformistes puisque la perspective n'est plus le passage au socialisme – de se faire passer pour des révolutionnaires ». C'est d'ailleurs l'ambition affichée du sous-titre de l'ouvrage du duo Dardot-Laval célébrant l'avènement du "commun" : "Essai sur la révolution du XXIe siècle" ! Souhaitons que notre PCF, dans son congrès extraordinaire de novembre 2018 prochain, ne se rallie pas à de tels "lieux-communs" sur les Communs et saura trouver d'autres accents, référents et repères pour un réelle politique d'émancipation du XXIe siècle. Notes : 1 Alain Obadia, président de la Fondation Gabriel-Péri, dans Communistes n°713 à l'Humanité du 21 février 2018, p. IV. 2 Mouvement Utopia, Propriété et communs, idées reçues et propositions, Éditions Utopia, 2017. 3 Idem 4 Pierre Dardot, Christian Laval,, COMMUN. Essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris, La Découverte, 2014. 5 ContreTemps n°4, 2009, Éditions Syllepse, p.53. 6 Jean-Pierre Garnier, "le commun contre le communisme", dans : Le grand-guignol de la gauche radicale , Éditions critique, 2017, p.144-157) Jean-Yves Martin, section de Basse-Loire (Loire Atlantique), https://jym44.blogspot.fr/