Écologie, enjeux de classe et projet communiste - Congrès PCF

Discours d'introduction de Pierre Laurent pour les Assises de l'écologie

Cher(e)s camarades, Cher(e)s ami(e)s,

 

C’est pour moi un réel plaisir de saluer l’ouverture des premières Assises Communistes de l’Écologie.

Pourquoi était-il si important de placer ces Assises communistes pour l'écologie au coeur du processus de préparation de notre Congrès ?

Tout simplement parce que nous avons décidé que ce Congrès devait énoncer avec le plus de force et de clarté possible le sens de notre combat communiste au 21ème siècle et qu'il est tout simplement impensable de le faire sans mettre la cause écologique au coeur de cette énonciation.

 

Et pourtant, nous avons tant tardé à le faire. Même si cette question figure dans nos têtes depuis longtemps, elle n'a pas été la priorité d'actions transformatrices qu'elle aurait dû être. Il est temps de changer en profondeur l'agenda de nos priorités en la matière.

L'Ecommunisme doit devenir un des piliers de notre combat.


Que visons-nous en disant cela ?

 A l’heure de l’Anthropocène, cette séquence de l'histoire de la Terre où les activités humaines génèrent un impact significatif sur l'écosystème planétaire, la crise environnementale est devenue une dimension majeure de la crise historique du capitalisme mondialisé :

  • une crise climatique qui a commencé à perturber les équilibres les plus structurants de la biosphère terrestre,

  • une crise de la biodiversité marquée par un rythme accéléré de disparition des vertébrés et par une destabilisation des écosystèmes,

  • une crise de la ressource en eau qui, du Moyen-Orient à l’Asie centrale, exacerbe les tensions et mêmes les guerres (d’après l’ONU le monde devra faire face, d’ici 12 ans, à un déficit hydrique de 40%),

  • une crise de la qualité de l’air qui provoque annuellement 7 millions de morts prématurées (selon l’OMS, globalement, 12% des décès sont liés à la pollution de l’air et 92% de la population mondiale respire un air malsain),
  • une crise de la fertilité des sols qui s’apprête à générer catastrophes agricoles et pénuries alimentaires.

 

L'arme atomique n'est plus la seule invention humaine qui pourrait entraîner la destruction de l'humanité.

 

En n'opérant pas de bifurcation historique du mode de développement capitaliste, aujourd'hui en pleine crise et en pleine décadence, la civilisation humaine pourrait provoquer sa propre mise en danger.

 

Combinée à une crise anthropologique de grande ampleur provoquée par les aliénations capitalistes, crise du travail, crise du sens même des activités et de la production humaines, la crise écologique est, à proprement parler, une crise de l'humanité.

 

Il est temps de réévaluer la portée de notre slogan « L'humain d'abord » à l'aune du combat écologique, car l'humain et son biotope, c'est la planète toute entière, ses ressources, sa biodiversité, ses équilibres, sa temporalité.

L'un des inventeurs de l'écologie, le biologiste allemand Ernst Haeckel, le définissait, en 1866 , comme « la science des relations des organismes avec le monde environnant, c'est-à-dire, dans un sens large, la science des conditions d'existence ».

 

Nous qui, justement, plaçons les conditions d’existence parmi les déterminants des rapports sociaux , nous devons une bonne fois pour toutes en finir avec la dichotomie  de l’homme, de son développement et de son environnement.

 

Longtemps, nous n’avons voulu voir -à tort- dans le marxisme que la dimension socio-économique et historique, déterminée par le rapport de production et l'antagonisme capital-travail.

 

L'ampleur de la crise civilisationnelle nous invite à repenser notre critique anticapitaliste et notre définition même du communisme.

Cela implique de reprendre le fil de l’analyse marxiste où nous l'avons parfois laissé et d’aller au-delà, en posant des problèmes nouveaux, en portant des accusations renouvelées, en inventant des modes d’intervention inédits...

 

John Bellamy Foster  nous rappelle -textes à l’appui- que Marx n’a jamais cessé de penser ensemble l’être humain et la nature et qu’il a vigoureusement dénoncé la rupture engendrée par le capitalisme de « l’interaction métabolique  entre la nature et les sociétés humaines » .

 

A l'époque où son contemporain Élisée Reclus,  disait que
« l’Homme est la nature prenant conscience d’elle-même… », Karl Marx, qui a été aussi un précurseur en écologie, définissait même le communisme comme « la vraie solution « de l’antagonisme entre l’homme et la nature »

 

Marx écrit ainsi en 1867 dans un passage du Capital :

« Chaque progrès de l'agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l'art d'exploiter le travailleur, mais encore dans l'art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l'art d'accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité...

La production capitaliste ne développe donc la technique et la la combinaison du process de production sociale qu'en épuisant en même temps les deux sources d'où j'aillit toute richesse : la terre et le travailleur ».

 

On sait aujourd'hui à quelles aberrations conduisent l'intensification forcenée de l'exploitation des ressources des sols et des humains.

 

L’écologie ne peut plus être considérée comme un point parmi tant d’autres du programme ; elle est devenue un enjeu central dans la mise en accusation du capitalisme.

 

La crise climatique ne sera pas résolue dans un système qui justifie les gâchis et encourage les consommations inutiles, organise l’obsolescence, finance les méga-fusions et les accords commerciaux hostiles à la santé, au progrès social, à l'environnement.

 

C’est tout le concept de l’aliénation  qui doit être étendu à la confiscation/la dégradation/la destruction de l'environnement humain. Car finalement, outre son activité, sa force de travail, sa créativité, c’est aussi du sens même de ses besoins fondamentaux dont l’individu est dépossédé : manger sainement, respirer un air sans pollution, s’épanouir dans un milieu à son échelle, vivre selon des rythmes soutenables…

 

Nous devons repenser nos fondamentaux au service des grandes causes émancipatrices contemporaines.

Le niveau prodigieux atteint par la science et la révolution numérique combinées nous invite à réévaluer la place des progrès scientifiques et l'appropriation sociale et démocratique de ces progrès.

 

Le socialisme de rattrapage qui courait après la productivité capitaliste a aussi produit des catastrophes : assèchement de la mer d'Aral, Tchernobyl, pollution charbonnière en Chine.

Le communisme doit être celui, non du rattrapage, mais du dépassement du capitalisme pour l'invention d'un autre mode de développement, résolument humain, résolument écologique.

L'industrie doit changer elle-même de paradigme pour construire les outils de cette émancipation écologique et sociale contre l'asservissement à la rentabilité financière.

Il en va de même pour les services publics, outils indispensables de la maitrise citoyenne et sociale des nouveaux progrès humains et technologiques.

Le monde contrôlé par Facebook ou le monde du partage et des services publics, il va falloir choisir.

Industrie et services publics ne sont donc pas les outils dépassés du monde ancien. Ils faut les réinventer au service du nouveau monde à construire, en les libérant des logiques de prédation capitalistes et en rendant le contrôle de ses usages sociaux aux objectifs de développement durable des humains et de la planète.

Nous ne pouvons plus nous limiter à demander que soit minimisée « l’empreinte écologique » de l’industrie. Celle-ci doit, aujourd’hui, être entièrement repensée pour être un outil du développement soutenable.

 

Cet essor indispensable de l'initiative communiste écologiste nous conduira à de nouvelles convergences politiques.

L'anti-capitalisme nous conduit à l'écologie. Et l'écologie conduira des millions de nos concitoyens à l'anti-capitalisme.

 

Aucun des débats qui nous opposent, même le nucléaire civil que nous jugeons nécessaire et maitrisable sous condition de service public pour lutter contre le réchauffement climatique, ne sont indépassables ; si nous sommes capables de nous projeter ensemble et dans l'action vers un monde de justice et d'humanité.

Combien sommes-nous déjà, engagés ensemble, pour des nouveaux modèles d'économie circulaire, de circuits courts, d'échanges mondiaux justes et soutenables ?

Nous allons débattre, dans ces Assises, des chemins concrets de ce nouvel engagement « écommuniste ».

Ces Assises peuvent et doivent être une étape fondatrice, qui nous donnera la force et l'énergie de constituer au Congrès, les nouveaux réseaux d'initiatives et d'action dont nous avons désormais impérativement besoin pour que notre action écologique change d'époque et d'échelle.