Le Parti et les classes populaires, au travail comme dans la cité - Congrès PCF

La République et les savants

La République et les savants On sait que Fouquier-Tinville déclara lors du procès de Lavoisier que « la République n'a pas besoin de savants ». Fort peu nombreux seraient les communistes qui aujourd'hui reprendraient cette affirmation à leur compte. Et pourtant... Les travailleurs de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche publics (ESR) se heurtent depuis le discours de Sarkozy à la Maison de la Chimie à une politique de pilotage de leurs activités par les besoins du capital. Précarité des jeunes chercheurs, chasse aux contrats à court terme à vocation appliquée par les équipes des laboratoires, salaires indignes pour tous les travailleurs scientifiques du public, etc.., sont la conséquence et l'expression de cette politique. Le développement des start-up n'est que l'autre face d'une politique d'externalisation de l'activité de recherche de la part des grands groupes indutriels, qui ont fermé nombre de leurs laboratoires. Lors des mouvements sociaux dans l'ESR de ces dernières années, lorsque les communistes s'y investissaient, c'était dans la plupart des cas, en appui – légitime, mais insuffisant – aux revendications syndicales. Pour aller vite, ces dernières peuvent se résumer à l'exigence de moyens pour l'indépendance intellectuelle des personnels de l'ESR, grâce à des financements pérennes, des statuts de fonctionnaire, de meilleurs salaires et de meilleures carrières. D'un autre côté, les textes de Congrès du PCF, pour l'essentiel, comme parfois les interventions de responsables nationaux du PCF dans la presse, sont largement dominés par une conception différente, celle – pour aller vite -- d'un pilotage de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur par les besoins sociaux. La plupart du temps, la recherche est mentionnée dans nos textes comme devant résoudre tel ou tel problème de production. Le PCF doit être conscient que la République de progrès pour laquelle il lutte aura besoin de travailleurs scientifiques et d'un ESR dynamique. Il doit être clair que le rassemblement populaire majoritaire indispensable doit tenter d' inclure les travailleurs scientifiques de toutes catégories. Il est alors aussi clair que la conception du « pilotage par les besoins sociaux » est largement insuffisante pour mobiliser un secteur qui revendique l'indépendance intellectuelle, au nom – justifié – de sa fécondité. Par ailleurs, la société attend légitimement que l'effort important qu'elle fait pour l'ESR (de l'ordre de 1% du PIB) se traduise en progrès économiques, sociaux, écologiques, et culturels. La commission ESR du PCF a développé au cours des dernières années des propositions destinées à dépasser et résoudre la contradiction entre la revendication d'indépendance intellectuelle des travailleurs de l'ESR et la nécessité d'un transfert fécond des connaissances vers la société, pour le progrès de tous. La démocratisation de la politique scientifique nationale a donné lieu de sa part à des propositions précises. Ses propositions, validées par le Comité National, sont cependant restées inconnues de la grande majorité des camarades, et n'ont pas été reprises dans les textes de Congrès. D'autres urgences reléguaient cette question à un rang secondaire. La politique de rassemblement populaire majoritaire dans le secteur pourtant stratégique de l'ESR s'en trouve handicapée. Oui, la République doit garantir des moyens pérennes, des statuts de fonctionnaire et des salaires revalorisés aux travailleurs de l'ESR public, et garantir leur indépendance intellectuelle. Mais elle doit aussi mettre en place des dispositifs nouveaux, incitatifs ou statutaires, pour une collaboration volontaire, mutuellement avantageuse, entre travailleurs scientifiques du secteur public et chercheurs d'autres secteurs, notamment ceux du secteur industriel public ou privé. Ces collaborations seraient facilitées par tout ce qui peut libérer les entreprises de la dictature du profit maximum : droits nouveaux des salariés, constitution de pôles publics industriels démocratisés, comme ce que la CGT revendique pour l'industrie du médicament, ou diverses formes de l'économie sociale. Le prochain Congrès du PCF saura-t-il combler le retard de notre politique de rassemblement populaire majoritaire en ce qui concerne, plus largement que les savants, les travailleurs de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche ? Pascal Lederer physicien, directeur de recherche honoraire au CNRS. Section PCF Paris 5