Écologie, enjeux de classe et projet communiste - Congrès PCF

Nucléaire, méfait du capitalisme ?

Je suis intervenu à 3 reprises sur la tribune du congrès, l’une dans l’atelier « Formations des communistes » avec un texte intitulé « Formation à l’énergie » et les deux autres dans l’atelier « Ecologie enjeux de classe et projet communiste » avec les titres « « De l’entropie aux déchets nucléaires » et « Sûreté nucléaire ne pas confondre danger et risque ».

J’interviens à nouveau suite à un texte déposé sur cette tribune avec le titre « Pour un printemps du communisme » par les camarades Faucillon (Hauts de Seine), Fanny Gaillane (Paris), Anna Meyroune (Yonne), Nora Saint-Gal (Val de Marne), Patrice Cohen-Séat (Paris), Frédérick Génevée (Val de Marne) et Frank Mouly (Seine et Marne).

On y trouve cette suggestion :

« Et nous n’arrivons toujours pas (serons-nous les derniers ?) à affirmer la nécessité d’une sortie progressive du nucléaire, au profit des énergies renouvelables. Il faut cesser de considérer que ces luttes et ces exigences s’opposent au « progrès » ou à l’emploi, et réaliser à quel point elles constituent aujourd’hui un des vecteurs essentiels de prise de conscience des méfaits du capitalisme et de la nécessité de le dépasser. Nous devons donc nous y engager pleinement et y contribuer en portant nous-mêmes la conception d’un modèle de développement sobre piloté par l’objectif d’un « bien-vivre » humain et de préservation de l’écosystème entier à toutes les échelles, du mondial au local, de la ville aux territoires ruraux. »

Dans cette proposition je distingue trois idées :

  • Sortir du nucléaire progressivement au profit des énergies renouvelables
  • Nucléaire méfait du capitalisme
  • Sortir du nucléaire, élément de rassemblement


Sortir du nucléaire progressivement au profit des énergies renouvelables

Les camarades n’invoquent aucune raison particulière pour sortir du nucélaire sauf celle d’être à la traîne d’une opinion majoritaire. S’agit-il de partager l’opinion de Jean-Luc Mélenchon déclarant, de manière prophétique au sujet du nucléaire civil lors de la convention de la France insoumise de novembre 2017 : « tout le monde mourra en même temps si tout ça se détraque ». Je pose la question. Pour des explications sur les positions de FI je renvoie au blog d’Amar Bellal, rédacteur en chef de notre revue « Progressistes » : « Nucléaire pourquoi les partisans de Mélenchon se trompent » au lien https://environnement-energie.org/2018/02/21/nucleaire-pourquoi-les-partisans-de-melenchon-se-trompent/.

Ma première remarque est que la sortie « progressive » du nucléaire comporte un corollaire évident : l’arrêt des recherches dans le domaine. Plus de recherches sur les réacteurs utilisant la fission notamment de génération 4 (surgénération), déjà affaiblies par l’arrêt politicien de Superphénix, alors que la Russie, la Chine, l’Inde engagent des programmes importants dans cette voie. Et donc abandon du projet Astrid déjà victime d’un manque total d’enthousiasme de la part du gouvernement. Je rappelle que ces réacteurs ouvrent la possibilité d’exploiter les 300 000 tonnes d’uranium appauvri qui existent actuellement sur le sol français garantissant une « indépendance électrique » nationale de plusieurs milliers d’années, et permettant l’utilisation complète du plutonium qui autrement deviendrait un déchet ainsi que l’uranium appauvri lui-même. Et aussi arrêt des recherches sur la fusion et abandon du projet ITER à Cadarache.

Sortir du nucléaire « progressivement » est exactement la position de Nicolas Hulot, ministre d’Emmanuel Macron, qui se bat pour arrêter des réacteurs en se fixant une étape dans cette voie à 50 % de nucléaire dans la production électrique. Les réalités physiques d’approvisionnement de notre pays en électricité l’ont empêché de programmer cette échéance en 2025 comme le stipule la loi de transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) adoptée en 2015 (abstention du groupe de la Gauche démocrate et républicaine où se trouvaient les députés communistes). L’étape à 50% est maintenant programmée pour 2035. C’est aussi la position du président de la République qui déclare: « On a trop d’énergie électrique fournie par le nucléaire» et « La France si elle est en retard sur un point c’est le renouvelable. Et donc là on va accélérer massivement » (Interview par Delahousse sur la 2 le 17 décembre 2017).

Nous vivons en France dans un tel environnement médiatique, qu’il ne se trouve pas dans les grands médias, ceux qui formatent l’opinion publique (journaux, radios, télévisions), de journaliste examinant avec un a priori de bienveillance le cas du nucléaire civil. Le « nuclear bashing » est général avec plus ou moins d’intensité, soit explicitement, soit par omissions. L’Humanité qui reste le journal de référence des communistes n’échappe pas à cette tendance dans son orientation éditoriale. Le journal Le Monde est orfèvre en la matière. Mais avec une ambigüité. Le Monde accueille en en effet le blog de Sylvestre Huet http://huet.blog.lemonde.fr/ qui y développe une analyse lucide sur l’utilisation de l’énergie nucléaire. Mais Sylvestre Huet n’a pas le droit au Monde papier. Dans une de ses dernières productions intitulée « Nucléaire et climat : la grande tromperie » il rapporte les résultats d’une étude sociologique réalisée par IPSOS pour le compte d’EDF chaque année depuis 2012. Cette enquête montre que près de 80% des sondés attribuent aux centrales nucléaires une responsabilité dans l’élévation de la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre, et donc dans le changement climatique. Il conclut par ce paragraphe sur lequel nos camarades pourraient méditer :

« Tout responsable politique doit se demander s’il s’exprime clairement sur ce sujet. Tout journaliste concerné doit se demander si ce qu’il dit et écrit (ou pas) contribue (ou pas) à maintenir les citoyens dans cet état d’ignorance ou à l’informer correctement. Que l’on soit en désaccord avec l’utilisation de cette énergie parce que l’on n’est pas convaincu que les pratiques des industriels comme le dispositif public de contrôle du risque nucléaire par l’Autorité de Sûreté Nucléaire sont efficaces pour nous protéger est respectable. Et peut constituer une raison pour refuser cette source d’électricité. Mais que le débat public soit vérolé par une ignorance aussi criante de la capacité de l’énergie nucléaire à apporter une solution pérenne et massive à une fourniture d’électricité climato-compatible est une tare pour la vie démocratique. »

Le réchauffement climatique est bien aujourd’hui le premier parmi les soucis écologiques auxquels l’humanité est confrontée et parmi les pays industrialisés ce sont ceux qui utilisent l’électricité nucléaire qui ont, de loin, les meilleurs résultats dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Le cas de l’Allemagne est exemplaire dont la sortie du nucléaire et le développement de l’éolien et du photovoltaïque, comme nous le proposent en France nos dirigeants, s’avère inefficace pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Si le journal l’Humanité avait porté à la connaissance de ses lecteurs que l’abandon par l’Allemagne de 10 GW de nucléaire et l’installation de 100 GW d’éolien et de photovoltaïque, subventionnés actuellement au niveau de 25 milliards d’euros par an, s’étaient traduits par une totale stabilité de ses émissions de CO2 dans l’atmosphère depuis 2009 avec une tendance à la hausse récemment, et avec un prix du kWh aux particuliers 2 fois plus élevé qu’en France, nos camarades auraient sans doute eu une moins évidente appréciation de la nécessité de remplacer le nucléaire par des énergies renouvelables.

Sur cette question je rajouterai que dans la lutte contre le réchauffement climatique nous devons agir dans l’extrême urgence. Les techniques à mettre en œuvre, tout de suite, sont celles qui sont matures aujourd’hui. Il faut agir vite. Pour respecter une augmentation de 2 °C il ne faut pas, selon le GIEC, dépasser une émission cumulée de 1000 gigatonnes de CO2. Or l’humanité en émet 40 Gt par an aujourd’hui dans un contexte où les émissions augmentent toujours. Nous avons tout juste 25 ans pour régler le problème.

Une grande partie de la solution est le développement mondial du nucléaire qui est une technique mature. En France, courir deux lièvres à la fois celui de la décarbonation de l’énergie et celui de la sortie du nucléaire, principale énergie décarbonée, est se précipiter vers l’échec dans la lutte contre le réchauffement climatique.

La communauté scientifique s’est largement prononcée pour le développent du nucléaire.

Ci-dessous une série de liens :

Je cite particulièrement François Ramade car c’est « une figure mondialement reconnue de l’écologie scientifique », ainsi présenté dans notre revue Progressistes où il a écrit, en 2014, un texte titré « Maintenir les activités productives tout en préservant l’environnement ».

Dans un texte récent titré « Efficacité de l’ énergie nucléaire dans la lutte contre le changement climatique » il écrit : « On ne soulignera donc jamais assez que dans le contexte actuel de changements climatiques globaux liés à l’usage massif des combustibles fossiles, l’énergie nucléaire est celle qui permet de lutter le plus efficacement contre le réchauffement planétaire car elle présente le bilan le plus favorable en matière de réduction des émissions de gaz de serre, son bilan carbone se situant au plus bas niveau, bien au-dessous du solaire et même de l’éolien …. »

Y a-t-il un organe de presse qui a cité, commenté, ces diverses déclarations ?

Au moment où j’écris ces lignes, le 20 avril 2018, je viens d’entendre sur France inter, peu avant 9 heures, annoncer la venue de Bernard Laponche (et oui encore lui) pour nous entretenir de Cigeo que Nicolas Demorand présente comme un « projet prométhéen d’enfouissement des déchets dont la radioactivité durera 100 000 ans »…..

Comment l’éolien et le photovoltaïque peuvent remplacer le nucléaire ?

Je ne cite ici que ces 2 énergies renouvelables car elles constituent l’essentiel des renouvelables qu’il est prévu de développer et qu’elles ont la particularité très gênante d’être intermittentes (ENRI) et donc qu’elles n’apportent aucune sécurité d’approvisionnement en électricité. Il faut toutefois rappeler qu’E. Macron lors de son interview par Delahousse a aussi particulièrement insisté sur la méthanisation dans les entreprises agricoles : « Aujourd’hui un éleveur allemand il gagne plus d’argent par l’énergie qu’il produit en récupérant les déchets, certaines matières, par la méthanisation, il gagne plus d’argent par la méthanisation que par la vente de sa viande ». Sujet qui mérite réflexion quand on sait que l’Allemagne, qui a été pionnière en la matière en subventionnant la méthanisation à partir de cultures dédiées de maïs, a dû mettre la pédale douce sur le secteur.

Environnement :

On est en droit de s’interroger sur les impacts environnementaux de l’éolien et du photovoltaïque. Tous les deux posent la question de l’occupation de l’espace, ce sont des énergies diluées. Et particulièrement pour l’éolien, celles supplémentaires de la protection des paysages, de la protection de l’avifaune et des nuisances sanitaires. Lors des débats à l’assemblée nationale du texte de la Loi pour la transition énergétique et la croissance verte (LTECV), André Chassaigne avait réclamé que la distance minimum de 500 mètres entre éoliennes et habitations, soit portée à 1500 m. Qu’en est-il de cette revendication au moment où Macron/Hulot agissent pour la simplification des procédures d’autorisation des parcs éoliens en continuité avec l’action de Ségolène Royal qui avait trouvé Jean-Vincent Placé associé à Denis Baupin pour sa mise en œuvre. Beaucoup d’associations locales se battent contre l’envahissement par les éoliennes.

Economie

Le développement de l’éolien et du photovoltaïque aujourd’hui augmente le coût de l’électricité et en conséquence le prix du kWh que paient les particuliers.

La réalité sur les prix est la suivante : alors qu’EDF est obligée de vendre le quart de sa production nucléaire à 42 euros/MWh (tarif ARENH - Loi Nome) à ses concurrents sur le marché de l’électricité, elle achète (« obligation d’achat ») en moyenne l’éolien terrestre à 90 euros le MWh (l’éolien offshore est prévu à plus de 200 euros/MWh) et le photovoltaïque à 300 euros. Il y a eu dans le passé des contrats photovoltaïques à 600 euros le MWh sur 20 ans. L’obligation d’achat à ces tarifs est compensée (partiellement) à EDF par le rendement d’une taxe sur le kWh la « contribution au service public de l’électricité » (CSPE).

Des avis autorisés qui se manifestent dans le débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie indiquent que la réduction du parc nucléaire à 50 % avec développement des ENRI conduirait à une dépense annuelle du secteur électrique de 8 à 10 milliards d’euros supplémentaires par rapport à la poursuite normale du parc nucléaire existant.

L’expert J. M. Jancovici est radical :

« Décarboner l’économie est une impérieuse et urgente nécessité. Mais la seule chose qui est certaine, c’est que ce que nous sommes en train de faire en France au système électrique ne peut en aucun cas se revendiquer de ce domaine d’action, ni même d’une quelconque analyse rationnelle des risques. Cette dernière commanderait plutôt d’arrêter demain matin de mettre le moindre euro supplémentaire dans l’éolien et le solaire, qui en France vont déjà nous coûter près de 100 milliards « pour rien » avec les installations déjà en place, pour tout mettre dans la « vraie » décarbonation ».

Il existe un vrai problème d’analyse économique rigoureuse de l’intérêt de l’introduction des énergies renouvelables intermittentes, éolien et photovoltaïque, dans la production électrique.

Le lobby éolien, représenté notamment par le syndicat des énergies renouvelables (SER), surfe sur les subventions considérables de ces énergies pour engranger les profits, spéculer, et mener une campagne de désinformation sur le coût futur de l’électricité produite qui deviendrait extrêmement bas : aidez-nous, aidez-nous, demain on rasera gratis. Mais intermittentes, ces productions doivent être associées à des moyens de stockage d’énergie ou de production pilotable, le nucléaire peut répondre à ce besoin dans une certaine mesure. Le coût de ces unités de production « auxiliaires » devrait être pris en compte dans l’évaluation du prix des renouvelables. Ce n’est pas le cas. La méthode de fonctionnement du marché -- qui conduit à l’aberration suprême de prix négatifs du kWh sur les bourses de l’électricité dans les périodes où la production éolienne et photovoltaïque est excédentaire (ce qui s’est produit 119 jours ouvrables et 38 dimanches en Allemagne en 2017)-- associé aux subventions, est un obstacle à une démarche économique rationnelle. J’aurais préféré que nos camarades nous proposent comme revendication pertinente un « sortir du marché de l’électricité », vrai méfait du capitalisme, et certainement rassembleur.

Une remarque très importante doit être faite sur les aides que l’Etat apporte pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Si on se limite à 2017, on constate que plus de la moitié des aides publiques liées à la politique du climat ont été consacrées au secteur électrique (essentiellement des subventions au solaire et à l’éolien) responsable de 6% seulement des émissions de gaz à effet de serre !

On peut faire référence à un rapport récent de la Cour des comptes qui met les pieds dans le plat et dont Sylvestre Huet commente les découvertes dans son blog : http://huet.blog.lemonde.fr/2018/04/19/la-cour-des-comptes-alerte-sur-le-cout-des-enr/

« Parmi ces découvertes, le coût faramineux du soutien à l’électricité photovoltaïque, pour un résultat minable. Ainsi les seuls contrats signés avant 2010 pèseront, au total lorsqu’ils seront arrivés à terme, pas moins de «38,4 milliards d’euros pour les finances publiques», pour… 0,7% de la production d’électricité (1), note la Cour. Ces contrats représenteront encore 2 milliards par an en 2030 et représentent une subvention de 480 € par MWh…. L’éolien est un peu moins dispendieux. Mais les chiffres sont, là aussi, cruels. Des contrats de l’éolien vont coûter «40,7 milliards d’euros en 20 ans» pour… «2% de la production française», précise le rapport….

(1) Les mauvais esprits ne manqueront pas de rapprocher ces presque 40 milliards d’euros de la somme quasi identique annoncée par EDF pour mettre ses réacteurs nucléaires en état de produire durant 20 ans de plus… 75% de l’électricité dont nous avons besoin »

Enfin illustration de l’irresponsabilité de l’Etat en matière de soutien aux renouvelables, la volonté récente de Nicolas Hulot de renégocier, voire d'annuler, des projets d’éolien offshore attribués en 2012 et en 2013 pour la construction de six parcs au large des côtes de Saint-Nazaire, Courseulles-sur-Mer, Fécamp, Saint-Brieuc, Le Tréport (projets Sarkozy 2011) et de Noirmoutier (projet Ségolène Royal 2013). Un amendement dans ce sens a été déposé au Sénat dans le cadre du projet de loi sur « l'Etat au service d'une société de confiance ». L’amendement a été repoussé mais la volonté gouvernementale demeure. L’exécutif vient de se rendre compte que la promesse faite aux promoteurs de ces projets de leur acheter le MWh jusqu’à 240 euros dépassait les bornes… A suivre

En conclusion il conviendrait que le parti communiste se prononce pour que notre pays tire le meilleur parti possible de son parc nucléaire existant, capable de fournir pendant une vingtaine d’année de l’électricité à bas coût (installations largement amorties et malgré les dépenses du grand carénage) et pour la préparation du remplacement des unités en fin de vie par des unités modernes. En se déclarant, comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises, opposé à la fermeture de la centrale de Fessenheim qui comporte deux réacteurs de 900 MW. Celle-ci, bien qu’autorisée par l’ASN à poursuivre son fonctionnement, est programmée par le pouvoir pour une mise à l’arrêt afin de satisfaire des objectifs purement politiciens : flatter la partie antinucléaire de l’opinion publique et faire un cadeau à la Chancelière Merkel.

Et rejoigne la CGT en exigeant un bilan de la libéralisation du secteur de l’électricité et de l’introduction des énergies renouvelables afin d’en tirer les conséquences pour la recréation d’un service public de qualité.

 

Nucléaire méfait du capitalisme ?

Spontanément je pense à Lyssenko. Difficile d’avancer que le phénomène de la fission est une découverte capitaliste. Elle est le résultat des recherches sur la constitution de la matière d’une communauté internationale de grands physiciens dans la première moitié du 20ème siècle. Joliot Curie en 1939 a déposé en France 2 brevets sur l’utilisation de la fission : un brevet concernant la production d’électricité et l’autre les explosifs. A la fin de la guerre Joliot-Curie a été Haut-Commissaire à l’énergie atomique, mais, refusant que le commissariat travaille sur la bombe, il a été limogé de son poste en 1950.

Certes on peut dire que le capitalisme a été le seul à utiliser la bombe atomique (Hiroshima et Nagasaki août 1945) et à menacer de l’employer ultérieurement (Guerre de Corée et Trump récemment encore sur la Corée). L’utilisation militaire du nucléaire est bien un méfait du capitalisme. Mais du côté nucléaire civil les grands accidents qui ont marqué la filière sont Three Mile Island (USA, 1979) sans conséquences sanitaires, Tchernobyl (URSS, 1986), Fukushima (Japon, 2011) d’où l’on peut conclure au match nul entre pays capitalistes et non capitalistes.

En fait aujourd’hui le capital n’est pas du tout porté à se mobiliser pour le développement de l’énergie nucléaire. Le nucléaire nécessite en effet des signaux économiques de long terme alors que la libéralisation du marché de l’électricité conduit à privilégier les investissements à temps de retour rapide sans souci du coût final du kWh pour le client, ce qui était pourtant l’objectif fondamental qu’on nous a tellement vanté en mettant en place ce marché. Je cite ci-dessous un extrait d’un texte du camarade Paul Sindic :

« Même si l’on peut penser que dans certains pays européens, Fukushima a pesé sur des décisions d’arrêt (Allemagne, Suisse) ou de suspension de programmes (vérification et travaux de sûreté), nous estimons que les véritables raisons de cette disparité ne sont pas là.

Il s’agit plutôt du fait que, dans la plupart des pays occidentaux, sous la pression forcenée du capitalisme néolibéral, aucun investissement industriel ne rapportant pas 12 à 15 % de rentabilité n’est plus assumé par le capital privé. Comme le nucléaire ne répond pas à de tels critères (investissements massifs de départ, récupération dans la longue durée), même s’il reste économiquement tout à fait attractif, il est délaissé. »

Par contre le capital se précipite sur les bienfaits des renouvelables. Dans les débuts c’est le petit capital qui s’est mobilisé. L’obligation d’achat de l’électricité éolienne par EDF a été à l’origine de profits fabuleux avec avantages fiscaux et en plus des opportunités de spéculations.

Aujourd’hui c’est le grand capital qui entre en jeu, EDF Energies nouvelles, Engie, Total…. Et qui cherche à drainer les économies de particuliers qui en disposent et qui ne sont pas insensibles à la rentabilité du capital. Anecdotique mais significatif, la Belgique vient d’annoncer, dans le cadre de sa sortie du nucléaire, se lancer dans l’éolien offshore avec 4 GW d'éolien pour remplacer 6 GW de nucléaire (performance qui sera certainement classée dans l’anthologie des histoires belges). Du coup le capital local se mobilise : la famille Colruyt, connue pour son vaste réseau de supermarchés et un patrimoine de 3,9 milliards d'euros s’y met, la presse en langue anglaise titre :« Supermarket family pioneering off-shore wind energy ».

 

Les investisseurs espèrent que les subventions des Etats continueront le plus longtemps possible et que si elles s’arrêtent, les prix de l’électricité seront suffisamment élevés pour leur garantir la rentabilité qu’ils souhaitent. Le marché de l’électricité européen (qui en fait pour l’instant n’est pas un vrai marché du fait des entorses à la libre concurrence, subventions aux ENR, loi Nome) ne supporte pas le différentiel de prix de l’électricité d’un facteur 2 entre la France et l’Allemagne. Il faut que le prix de l’électricité monte en France, c’est pour moi la devise européenne. La politique macronienne s’inscrit bien dans cette orientation avec l’affaiblissement du nucléaire et l’introduction massive des ENR intermittentes.

Dans le cadre de la COP21, Obama s’était engagé à diminuer de 32% les émissions des centrales électriques américaines en 2030 par rapport à leurs émissions de 2005. Bien que modestes ces propositions faisaient naître l’espoir que les Etats-Unis agissent enfin pour le climat. Au mieux le remplacement aurait pu être réalisé par la construction de centrales nucléaires ce qui n’était pas alors exclu : le capitalisme d’Obama l’aurait probablement accepté moyennant sans doute de fortes subventions d’Etat. Mais le capitalisme de Trump a préféré le charbon, l’huile et le gaz de schiste.

 

Sortir du nucléaire : élément de rassemblement

Le slogan est sans conteste efficace dans une population désinformée. Jean-Luc Mélenchon l’a utilisé avec succès. Lors de la Convention des 25 et 26 novembre 2017 de la France insoumise, des axes prioritaires d’action ont été adoptés : 30 % des voix se sont portées sur « La lutte contre la pauvreté sous toutes ses formes », 26 % sur « Sortir du nucléaire et promotion des énergies écologiques alternatives » et 25 % sur « Lutter contre l'évasion et la fraude fiscales ». Il s’en est fallu de peu que la lutte antinucléaire figure en tête des préoccupations de la France Insoumise ! Plus récemment FI s’est livrée à une consultation internet sur la sortie nucléaire qui se voulait publique, mais dont les résultats ont traduit en fait l’opinion des insoumis : 93 % pour la sortie du nucléaire, indécis 2 % et 5 % contre. J’en tire la conclusion qu’espérer rassembler autour du parti communiste sur le slogan opportuniste « sortir du nucléaire » est tout à fait illusoire, la place est prise.

Par contre le parti communiste s’honorerait de défendre la filière de l’énergie nucléaire parce qu’elle est maîtrisée dans notre pays dans tous ses aspects et qu’elle répond aux exigences du moment :

  • économique (bas coût de l’électricité, effet positif sur la balance commerciale),
  • sociale (sécurité d’approvisionnement en électricité, emplois),
  • environnementale (efficacité dans la lutte contre le réchauffement climatique, niveau de sûreté reconnu mondialement, maîtrise des déchets).

Il répondrait ainsi au souhait d’une grande partie de la population, suffisamment éclairée sur le sujet de l’énergie (notamment celle qui vote à gauche), qui est ulcérée de voir s’ouvrir la perspective d’abandon d’un secteur économique essentiel et particulièrement utile, créé par des décennies de travail de chercheurs, ingénieurs, techniciens, ouvriers et constamment soutenu jusqu’à présent par le parti communiste.

 

J.Y. Guezenec, Fédération des Côtes d’Armor