Elections Européennes 2019 - Congrès PCF

Pour une candidature communiste autonome aux élections européennes

1) L’union est un combat Le PCF est une force de rassemblement. Cette voix, le parti a essayé de la faire entendre aussi fort que possible pour l’élection présidentielle et pour les élections législatives. Revenons un peu en arrière. En mai 2015, le parti mettait sur la table un texte rédigé par le Comité national (voir http://www.pcf.fr/71363). Ce texte, intitulé “la France en commun”, était présenté non pas comme un document exhaustif ou définitif mais plutôt comme un point de départ, une invitation à écrire ensemble un projet d’émancipation humaine successible de rassembler le plus grand nombre. Une plateforme internet avait même été ouverte pour recueillir les contributions. Bref, il s’agissait d’ouvrir une démarche de rassemblement en travaillant sur le fond, sur les propositions, sur le projet et d’impliquer les citoyens dans une démarche collective susceptible de tourner la page du Hollandisme par la gauche. Mais, le 10 février 2016, Jean-Luc Mélenchon déclarait unilatéralement sa candidature au JT de TF1. C’était le point de départ de la stratégie dite “fédérer le peuple” qui, en d’autres termes, signifie un refus catégorique de toute alliance entre organisations politiques. La page du Front de Gauche est tournée pour de bon. A partir de là, les choses s’enveniment et les discussions deviennent quasiment impossibles. La France insoumise organise dans tout le pays des assemblées pour designer les candidats aux législatives, sans concertation avec les autres forces. Le bulldozer avance et les communistes sont sommés de se rallier purement et simplement à cette démarche, faute de quoi, ça sera l’affrontement, y compris dans les bastions communistes (voir note 1 en bas de page). Mis de la sorte au pied du mur, les communistes n’ont pourtant cessé de continuer à appeler au rassemblement durant toute cette période. Après avoir essayé dès 2015 d’engager une démarche de construction collective, et constatant que chacun partait dans son couloir, Pierre Laurent est alors tenté par la mise en place de primaires pour faire émerger une candidature unique successible de tourner la page du Hollandisme. Cette “solution” est perçue à ce moment comme la moins pire des méthodes. Mais Jean-Luc Mélenchon refuse d’y participer et l’idée est vite abandonnée. Quelques temps après, poussé par une volonté populaire très forte de mettre la barre à gauche, c’est le frondeur Benoit Hamon qui sort victorieux des primaires socialistes. La gauche se retrouve donc avec deux candidatures anti-austérité portées par deux individus qui quelques années plus tôt, défendaient ensemble les mêmes motions à l’intérieur du parti socialiste. Malgré un appel au dialogue et à des rencontres, ni Benoit Hamon ni Jean-Luc Mélenchon ne sont prêts à renoncer à leurs candidatures. Chacun se sent légitime, c’est trop tard ! Il se rencontreront donc en secret pour acter la chose. A ce stade, le PCF prend clairement position via le vote de ses adhérents pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon, rendant ainsi, grâce aux parrainages des élus, sa candidature possible. Il n’y aura pas de candidat communiste à l’élection présidentielle. Pour mémoire, le PCF a fournit au candidat à la présidentielle, 416 parrainages sur un total de 805. L’implication des communistes a donc été décisive. Au final, ce paysage de division nous fera perdre l’élection présidentielle. Et même si Jean-Luc Mélenchon, grâce à sa très bonne campagne et son talent lors des débats télé, a finalement réussi à siphonner les électeurs de Benoit Hamon, cela n’a pas suffit. Macron a gagné. La division s’est d’ailleurs poursuivie aux législatives. Fort de son score à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon n’a pas voulu négocier et seules quelques circonscriptions échapperont à la division (voir note 2 en bas de page). Pourtant, dans beaucoup d’endroits, le désir de rassemblement était très fort. Mais les insoumis souhaitant l’alliance avec les communistes et les autres forces de progrès social, sont taxés par les dirigeants de la France insoumise d’usurpateurs. Toute tentative d’alliance entre les insoumis et les communistes a été caractérisée de “tambouille”, “carabistouille”, “accord de coin de table”, “unitay” ou autre élément de langage qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux. Les élections territoriales en Corse en sont une triste illustration (voir note 3 en bas de page). Prenons acte de la situation. La désunion coute cher. Elle nous a couté la victoire à la présidentielle. Et malgré un fantastique élan populaire en faveur de notre candidat Jean-Luc Mélenchon, la division aux législatives nous a couté un nombre considérable d’élus. Selon Manuel Bompard, directeur de campagne de Mélenchon pour la présidentielle, la division aurait couté la place à plus de plus de 70 candidats (FI ou PCF) au second tour. Un véritable gâchis. 2) Cap sur les européennes En mai 2019, se tiendront des élections majeures : les élections européennes. C’est dans moins d’un an et demi. Au regard du bilan de la séquence électorale qui vient de se dérouler, le PCF doit s’y préparer avec sérieux et définir une stratégie aiguisée. Un cap clair. C’est dans ce sens que je pose ici quelques éléments. Premier constat, même si cela est 1000 fois regrettable, le rassemblement n’est pas possible. La France insoumise se sent indéniablement renforcée par la séquence électorale présidentielle-législative. Force nouvelle, ils disposent dorénavant d’un groupe à l’assemblée nationale et d’un bon magot pour mener des campagnes. Le score de Mélenchon est historique et le PS s’est écroulé. L’émergence de cette nouvelle force politique est une bonne chose. Mais le revers de la médaille est que, cette défaite à la présidentielle est vécue comme un succès stratégique qui valide a posteriori une stratégie de division. Dès lors, toute volonté d’alliance des militants insoumis sera systématiquement brisée (Cf le cas corse). Lors du premier congrès de la France insoumise (convention) les 25 et 26 novembre 2017 à Clermont-Ferrand, Jean-Luc Mélenchon a annoncé que son mouvement présenterait une liste autonome aux élections européennes de 2019. Ce choix est clair, net et définitif. Et si Pierre Laurent a malgré tout écrit aux forces de gauche pour tenter une nouvelle fois de créer un cadre de rassemblement pour les élections européennes, il a d’ailleurs raison de le faire, il est quasi certain que cela ne débouchera sur rien. Cet appel ne doit donc pas nous conduire une espèce d’attentisme. L’alliance avec la France Insoumise n’aura pas lieu, nous devons en prendre acte et commencer à nous organiser par nous même. Second constat : sans candidat à la présidentielle, le parti communiste n’a pas été en mesure de porter ses propositions propres dans le débat public. Pourtant, beaucoup de choses auraient pu être défendues : notre approche de la protection sociale, notre volonté de sortir des énergies carbonées, notre engagement pour la 6e république, nos propositions pour dé-financiariser l’économie, notre internationalisme, nos propositions économiques (par exemple notre loi SEF qui ne vise pas moins que éradication du chômage), notre stratégie pour affronter le capital, etc. Au lieu de cela, le PCF s’est effacé en faisant le pari que Jean-Luc Mélenchon puisse être le candidat du rassemblement. In fine, constatons que même si le candidat insoumis a soulevé un immense espoir, nous avons perdu. C’est factuel. Et à l’issue de cette séquence électorale, personne ne connait nos propositions programmatiques, qui méritent pourtant d’être entendues. Troisième constat : Le mode de scrutin rend possible le succès d’une liste communiste. Emmanuel Macron l’a annoncé, le gouvernement souhaite réformer le mode de scrutin et mettre fin à la répartition en 8 circonscriptions pour retourner à une seule liste nationale. Il s’agira donc d’un scrutin de liste à un tour à la proportionnelle sur une circonscription unique : le territoire national. Par ailleurs, le gouvernement prépare une réforme indexant la durée de diffusion des clips de campagne sur le nombre d’élus au Parlement français. Si cette réforme abouti, elle favorisera évidemment LREM. Mais avec 12 sénateurs et 11 députés au parlement, le PCF ne sera pas invisible non plus. Nous avons donc une carte à jouer. Quatrième constat, le PCF a une voix originale sur la question européenne et nous devons la faire entendre. Nous ne sommes pas des anti-européens mais nous sommes des anti-capitalistes. Entre un exploiteur français et un exploité étranger, nous sommes de côté de l’exploité. C’est notre boussole et ceci est bon à rappeler. Nos propositions sont d’ailleurs nombreuses : restructuration ou annulation des dettes des États, création d’un Fonds européen de développement solidaire, organisation d’une « Cop fiscale », mise en place d’une clause de l’européen le plus favorisé comme méthode de convergence pour une harmonisation sociale vers le haut et écologique, préserver de la concurrence les secteurs correspondant aux besoins humains élémentaires (logement, santé, transports, protection des écosystèmes), mise en place de nouveaux programmes d’échanges culturels, refonte de la Politique agricole commune (PAC) avec comme ambitions la sécurité et la souveraineté alimentaire via une agriculture paysanne non soumise aux logiques productivistes, mise en place d’un plan de lutte contre la collusion entre les institutions européennes et les milieux financiers pour encadrer strictement les lobbies, proposition d’une politique migratoire qui mette enfin au cœur du raisonnement les droits humains. La liste de nos propositions est longue. Elles s’inscrivent dans une démarche internationaliste, bien loin de toute dérive patriotique. En Europe, nous sommes d’ailleurs à l’offensive sur ces questions, comme le prouve le forum européen qui a eu lieu les es 10 et 11 novembre dernier à Marseille (rappelons le, forum auquel Jean-Luc Mélenchon était invité mais qu’il a préféré éviter). Enfin, petit rappel pour les donneurs de leçon, rappelons aussi que si le PCF veut changer le rapport de force en Europe, il s’est opposé systématiquement à tous les traités libéraux, à commencer par celui de Maastricht. A bon entendeur. 3) Mener campagne La tableau est dressé et une conclusion s’impose. Pour ces élections européennes, nous devons prendre le taureau par les cornes et mener la bataille sous nos propres couleurs. Nous devons porter nos idées, les rendre visibles, mener campagne, tenter de convaincre. Pour cela, nous devons : - Présenter une liste communiste autonome (ouverte à celles et ceux qui se revendiquent du Front de Gauche) - Faire émerger de nouveaux visages pour montrer que le PCF est capable de renouveau. - Développer une campagne numérique cohérente et renforcée - Défendre une vision communiste et internationaliste de la construction européenne qui ne sombre pas dans le clivage mortifère fédéralisme vs Etat nation. Notre ennemi c'est le capital, pas l'Europe. - Nous ne sommes pas des patriotes : entre un exploiteur français et un exploité étranger, nous seront toujours du coté de l’exploité. C'est notre boussole. - Mener une campagne très rouge pour réaffirmer le caractère révolutionnaire de notre parti. Notre ambition n'est pas d'aménager des progrès dans le système existant, mais de le renverser. Bref, l’heure est à la reconquête. Et à la fin du processus, si le PCF sort des élections européennes avec un bon score, ce que je crois tout à fait possible si nous travaillons sérieusement, notre vision et nos propositions politiques en sortiront renforcées. Notre voix et notre volonté de rassemblement n’en sera ensuite que plus fortement entendue. Car si nous sommes forts par nous même, nous redevenons a nouveau un partenaire qui compte et avec qui il devient nécessaire de s’allier. La voix du rassemblement que nous protons et qui reste au cœur de notre stratégie politique, pourra alors à nouveau être arpentée. Ne répétons pas les erreurs qui ont conduit à élimination de la gauche au second tour de la présidentielle et à l’élection de Macron (voir note 4 en bas de page). Les européennes sont une étape. Mais je crois qu’il serait plus que temps que le PCF se redonne l’ambition d’être un moteur de l’histoire. NOTES Note 1 : Ayant adhéré en 2009 au parti de gauche qui s’insérait alors dans le cadre de rassemblement du Front de Gauche, je décide à ce moment là de quitter ce parti pour rejoindre le parti communiste. Hors de question pour moi d’assumer une stratégie de division. Note 2 : Sur Sénart (11e circonscription du 77), malgré l’absence d’accord avec la France insoumise, les militants communistes ont décidé unilatéralement de ne pas présenter de candidats dans la circonscription, pour éviter tout risque d’éparpillement des voix. Pour ma part, constatant une belle dynamique militante sur le terrain, j’ai plaidé lors de ce scrutin interne, pour un soutien plein et entier au candidat de la France insoumise Daniel Allioux. Note 3 : Divisés aux législatives, les insoumis et les communistes décident de faire front commun aux élections territoriales. Une liste magnifique FI-PCF-Ensemble! est constituée et conduite par le candidat France insoumise aux législatives. Mais cette alliance, pourtant majoritaire chez les insoumis corses, est taxée par Jean-Luc Mélenchon de “tambouille” et il préfère féliciter, dans un tweet, Siméoni et les indépendantistes. Inouï ! Rappelons que ces derniers se sont abstenus à l’assemblée nationale sur les loi d’habilitation des ordonnances Macron et que Siméoni est celui qui a pris la marie de Bastia aux communistes en 2014 grâce à une alliance avec l’UMP. On marche sur la tête. Note 4 : A l’heure ou j’écris ces ligne, un groupe facebook intitulé "2022 je vote Mélenchon" existe déjà depuis plus de 6 mois. Il compte plus d’un millier de membres...