Notre démarche stratégique de transformation et de rassemblement, sur la base d'un bilan de la période écoulée et des enjeux de la période nouvelle - Congrès PCF

R.H. répond à Yves Dimicoli

Le ton adopté par notre camarade dans sa contribution « Réponse à Pierre Laurent » n'est pas de bonne augure. Etait-il nécessaire pour nous convaincre de ses désaccords avec Pierre Laurent de les exprimer avec une telle agressivité ? L'essentiel de sa philippique porte sur « l'incapacité du groupe dirigeant », Pierre Laurent en tête, « à faire relever par notre parti les défis auquel il est désormais confronté » et à son évitement à « porter avec audace et pédagogie politique les propositions précises les plus novatrices adoptées lors de nos précédents congrès ». Il est porté, dit-il, à des « initiatives d’action inexistantes ou velléitaires » et enfin, il est caractérisé par son « vide sidéral d’idées vraiment alternatives » à l'instar des autres dirigeants des formations de gauche. De sorte que pour Yves Dimicoli, le congrès extraordinaire n'aurait pas d'autre but que de traiter « simultanément du changement d’orientation de notre parti et du changement de sa direction nationale. » D'ailleurs, ajoute-t-il, « il y a une relève possible... notamment parmi nos jeunes dirigeants », faisant certainement référence aux communistes signataires du texte daté du 8 février «  C’est le moment ! » (publié dans la rubrique hors chantier). Pour Yves Dimicoli le projet est bouclé La question du projet, des propositions ne se poserait donc pas pour lui car le parti dispose d'un arsenal de « choix alternatifs cohérents, radicaux, réalistes … », de « propositions conséquentes, première esquisse d’un projet révolutionnaire à construire dans la vie, aident au développement de luttes rassembleuses ». Pour Yves Dimicoli, en discuter reviendrait à « leur mise en cause dans des débats de principe interminables », à « de vastes spéculations par des postures de sommet essayant de marier la carpe et le lapin... ». Du coup, pour lui, hors des « propositions précises les plus novatrices adoptées lors de nos précédents congrès », tout ne serait que « illusoire » et « à la remorque des idées dominantes du moment... » Les propositions du parti répondraient donc à toutes les problématiques : la politique imposée par Macron, la reconstruction européenne, la mondialisation et le dépassement du capitalisme. Sur chaque point, Yves Dimicoli se pose en théoricien faisant peu de cas des débats qui ont depuis longtemps traversé le parti. Je pense particulièrement à la question du dépassement du capitalisme, une idée qui n'est pas si neuve dans le parti qu'il veut bien l'affirmer, et qui a fait l'objet depuis 20 ans de discussions passionnantes. Par ailleurs, plusieurs de ses affirmations mériteraient d'être discutées, ainsi, je le cite « La mondialisation en cours porte la promesse d’une nouvelle civilisation de toute l’humanité », « ce que l’on a tendance à sous-estimer » ajoute-t-il. Mais, s'agit-il bien d'une sous-estimation ? Ne s'agit-il pas plutôt de la crainte que la mondialisation se solde par une régression civilisationnelle. On pourrait en dire autant de l'affirmation «  La société porte en elle le besoin d'une démocratie participative et d'intervention ». Mais un autre scénario n'est pas à écarter, celui de l'avènement d'une société liberticide et autoritaire. Certes, Yves Dimicoli n'exclue pas ces dangers, car, si la « société actuelle est grosse de communisme du fait de la maturation de la crise... mais cela peut conduire au pire avortement si le processus pour en accoucher ne mène pas à cette nouvelle civilisation. » Pour écarter ces dangers, il faudrait selon lui, que le parti communiste articule « trois exigences nécessaires pour assumer une ambition révolutionnaire : notre présence créative dans les luttes et les médias ; des idées qui... ne sont pas suivistes des idées dominantes ; la présence active dans tous les combats électoraux ». Autant d'exigences sur lesquelles le groupe dirigeant du PCF aurait fait l'impasse. Et si c'était cette stratégie exclusivement fondée sur le projet qui était en cause ? Pour Yves Dimicoli, « Nous avons les moyens, avec nos propositions, d’intéresser et de rassembler tous les électeurs de gauche qui, aujourd’hui, tout en aspirant à une construction européenne », mais il faut pour cela « cesser de refouler nos propositions et engager l’action et le débat pour les populariser ». Il faut «  porter avec audace et pédagogie politique les propositions précises les plus novatrices adoptées lors de nos précédents congrès » et encore « sans effort réel de propagande et de pédagogie sur nos propositions originales ». De tout chose que le groupe dirigeant a été incapable de mettre en œuvre. Le problème c'est que Yves Dimicoli, visant cette incapacité de Pierre Laurent, élude les arguments que ce dernier formule. Ainsi, lorsqu'il traite du dépassement du capitalisme, ce dernier affirme que ce ne sera possible ou pas qu'au prix de « luttes de classes concrètes avec leurs contradictions, dans les pratiques et les expérimentations sociales qui cherchent à anticiper une nouvelle manière de développer la société », et encore que « Notre stratégie s'ancre dans ces luttes, dans ces pratiques, en les nourrissant d’une visée de transformation au fond », que « Notre stratégie n’est donc pas un programme » et que « l'idée de processus de lutte de classes, pour le dépassement continu du système capitaliste, est plus forte que l'idée de contre-système « . A partir de là, Pierre Laurent considère que « le travail d'identification des batailles potentiellement transformatrices est donc à nouveau à entreprendre, compte tenu des conditions renouvelées de l’exploitation dans la mondialisation, et des aspirations nouvelles montantes. » Et lorsqu'il en donne trois exemples : écologie, antiracisme et services publics - pour ma part je rajouterai féminisme, migrants-réfugiés, Palestine – Yves Dimicoli se demande pourquoi les avoir choisis « sans jamais faire le lien avec les enjeux sociaux », assurant que « Sociétal et social doivent être sans cesse conjugués ». Mais je crois que la réponse va de soi. C'est que social et sociétal ne font qu'un et qu'en ces temps où tout s'imbrique, chaque chantier soulève des problématiques qui interrogent les droits humains dans leur globalité et les moyens institutionnels, structurels et financiers de les conquérir. Pour chaque chantier, on devrait pouvoir faire la démonstration qu'il renvoie aux questions « emploi, formation, salaires et enjeux de financements et de pouvoirs ». Et si c'était notre projet actuel qui était à interroger ? Yves Dimicoli nous assure que nous avons tout pour répondre à toutes les questions. Mais rien n'interdit de s'interroger et le congrès extraordinaire est fait pour lever ou confirmer ces doutes. Je pense pour ma part que l'essentiel de ces propositions sont conformes à une tradition marxiste non revisitée, pour laquelle c'est « l'Etat qui, pour l'essentiel, assure la régulation de la création des richesse et de leur distribution. Le concept d'appropriation sociale est un fondement doctrinal qui a pour lui l'avantage de la cohérence et de la radicalité. Le problème est que sa crédibilité est contestée. D'abord, même si l'accent est mis sur la gestion démocratique et les nouveaux droits des salarié.e.s et quand bien même le recours à la planification n'a plus cours, ce modèle rappelle par trop le dirigisme étatique qui a lamentablement échoué dans le monde soviétique. Ensuite, cette crédibilité est d'autant plus atteinte que pour convaincre de efficacité de ce modèle, on ne peut recourir qu'à des arguments théoriques, sans qu'il soit possible de s'appuyer sur des expériences réussies qui pourraient en faciliter l'adhésion. » (extraits de ma contribution « les communs, une contribution à la transformation publiée dans le chantier Notre démarche stratégique...).