Notre démarche stratégique de transformation et de rassemblement, sur la base d'un bilan de la période écoulée et des enjeux de la période nouvelle - Congrès PCF
Stratégie et rassemblement, le communisme au quotidien
I - Le congrès de Novembre 2018 ? Une certitude, rien n’est écrit.
D’abord, une conviction, sur les enjeux et les défis auxquels nous sommes confrontés. Il ne s’agit pas seulement de dresser un état des lieux pour ensuite, changer pour changer. Ni reconstruction, ni fin de partie, ni fin de parti, ce ne doit pas être un congrès de plus. Il ne suffira pas de revisiter, mais de se ressourcer, de transformer, de refonder. Il y va de l’identité, de la crédibilité, de l’existence même du Parti.
La tâche est considérable. Elle est à notre portée, mais on n’élaborera pas la stratégie que le parti doit se donner en claquant des doigts. Cela suppose une mise en mouvement intellectuelle d’analyse et de créativité, un processus qui ne saurait se réduire à des débats de sommet, à des règlements de contentieux, entre courants affichés. Il doit se fonder et s’enrichir d’un engagement de tout le corps militant. Pour la première fois, les communistes sont appelés à élaborer en amont, la ligne, l’orientation, la visée. Ni condamner, ni cliver, mais défricher, semer et construire ensemble. Le présent nous bouscule et l’avenir nous convoque. Et il n’est pas question d’éluder le bilan. Dès lors, on ne peut s’en tenir aux travaux de chantiers, en vase clos, aussi utiles soient-ils, ni même par blogs interposés. Nous avons besoin impérativement d’un brassage d’idées et d’expériences que recèle le parti, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur. C’est la condition pour que « la stratégie », « le bilan » comme les exigences de mutations soient compris et partagés, autour de nous.
Tout le problème est maintenant de s’y engager, individuellement, collectivement, pour échanger, écouter, apprendre, proposer, modifier, construire. Les chantiers présentent déjà de nombreuses contributions. Les médias, quant à eux, ne sont pas inactifs ; en témoignent ces commentaires qui sollicitent le texte de ces « 30 jeunes dirigeants du PCF » qui viennent de prendre la parole pour « poser les bases d’un communisme du XXIème siècle et révolutionner sa stratégie, son organisation ce qui suppose de faire lucidement le bilan de nos difficultés pour les surmonter ».
Je ne suis ni jeune, ni dirigeant, mais je peux me retrouver globalement sur ce texte, même si je ne saisis pas l’objectif politique réel des signataires. « Recul de plusieurs centaines de milliers de voix aux législatives, caractère inaudible de nos décisions qui conduisent à une certaine marginalisation, gachis d’énergie…, souvent un coup de retard sur l’actualité… », cela suppose effectivement de faire l’analyse de ces difficultés, avec d’autres, pour les dépasser. De tout cela d’ailleurs, la section Garibaldi a débattu souvent ! On pourrait parler aussi d’un rapport de forces politique et social particulièrement dégradé, ne laissant au parti en fait de stratégie que l’animation de luttes défensives, luttes indispensables mais globalement insuffisantes et les campagnes électorales. Encore faut il ne pas avoir de « notre » bilan une vue partielle et partisane qui ne traiterait que ce qui peut permettre de valider une idée personnelle, voire de régler des comptes. Prétendre rassembler des « courants » différents sur une « synthèse » qui aurait pour fil consensuel le changement de direction serait trop facile, et à coup sûr dangereux. Ce ne doit pas être un congrès dans l’ambiguité, où chacune, chacun y va de sa résolution, ou de son interprétation… Dès lors, il s’agit bien du bilan, du parti, des communistes, sur le moyen et sur le long terme, et sur tout ce qui fait le parti : une histoire à assumer tous ensemble, pour avancer ensemble.
II - La stratégie ?
« Le monde est à la croisée des chemins ». Nous avons à mesurer la nature et l’actualité historique du combat communiste de ce siècle, comme mouvement de dépassement du capitalisme ; impossible sans revenir sur ce que signifie ce concept de dépassement, visée communiste qui ne se résume pas à un projet, voire à un programme. La France, le monde changent ? Certes, mais nous disons cela à chaque congrès. Alors de quoi s’agit il vraiment, structurellement ? Partout, aujourd’hui, et c’est une donnée nouvelle, en France, en Europe, dans le monde, une réalité domine et sévit : des crises systémiques qui se cumulent et s’entretiennent, des sociétés, des systèmes ébranlés, des rapports de production bouleversés… Dès lors, il n’y a pas de neutralisme possible, ou bien perpétuer une finalité condamnée par ses résultats et s’enfoncer dans les crises, ou bien, avancer dans une autre logique, celle de la réponse aux besoins sociaux, condition d’efficacité économique et sociale et fondée sur une démocratie réelle. Le monde change, alors, mais … à part çà, quand est ce qu’on le change vraiment et comment ? « Etre nous même », certes, mais quel nous même, comment et pourquoi ?
C’est sans doute une bonne occasion de s’interroger sur notre histoire et sur le réel politique, économique, social et sociétal, pour transformer ce qui doit l’être. Il y a une forte exigence de travail de connaissance et de pensée appelant les communistes à une réflexion sur les mutations du siècle dernier, sur les menaces qui s’affichent, avec ou sans ordonnances. « En meme temps" les potentialités nces et ur les alléas du siècle dernier, les menaces qui s'e l'ême temps », des situations se croisent et se rencontrent, des intérêts communs naissent et s’expriment, les frontières se diluent face à des éléments structurels de la société, public et privé, économique et social, social et politique, local et national et international, les champs des mobilisations citoyennes se recoupent, voire s’opposent ; les bouleversements sociétaux modifient les champs d’intervention des organisations syndicales et politiques. Des potentialités existent ou s'annoncent pour ce dépassement du système, dont globalement les voies et les moyens restent à définir. Il s’agit bien d’une perspective, «processus immédiat et de longue portée », à construire au jour le jour, en actes ; réappropriation sociale, conjugaison du court et du long terme, vers une société dont le principe fondamental est la pleine et libre émancipation de chaque individu. En un mot, dans les luttes, pratiquer une politique communiste du quotidien apte à regagner la visibilité et la crédibilité de l’utilité du Parti communiste.
La stratégie, comme la citoyenneté, vient buter sur les calendriers électoraux. Ne faut il pas alors se sortir, en amont comme en aval, de cette tenaille institutionnelle du court terme et de l’empilage de campagnes de sommet dont l’une chasse l’autre, pour se saisir de tel ou tel chantier de transformation sociale concrètement utile, socialement et économiquement, mettant en cause le système ? En un mot, des terrains d’expérience de lutte, d’investissement militant, pour apprendre des autres, pour se faire comprendre aussi, pour marquer des points et commencer à dessiner une image neuve et créatrice du parti communiste. La note du groupe de travail évoque à juste titre cet exemple de la lutte des EHPAD qui porte en elle la question de la santé et en général (cf. le dossier de l’HD) du service public. On pourrait citer celle de la SNCF … ou celle de l’industrie, ou du numérique, celle du travail, ou du Grand Paris qui interpellent la citoyenneté ou encore celle du rôle de l’Etat et des principes du statut de la Fonction publique, « égalité, indépendance et responsabilité ». Et que dire du combat capital pour une démocratie sociale et économique dans l’entreprise fondée sur l’intervention des salariés sur les choix de gestion ?
Le défi n’est pas celui de la bonne parole communiste délivrée au peuple : le passé plaide pour le futur, ce serait l’impasse ! Si le Parti accompagne les colères, les aspirations, les sentiments des gens, des classes populaires en tout premier lieu, leurs luttes... pour contribuer à en faire des sujets, puis des projets politiques, alors les mutations de la société peuvent devenir le grand mouvement de transformation sociale, d’émancipation qui dépassera le capitalisme et ouvrira le chemin d’une nouvelle civilisation. Pour faire simple, la visée Communiste ! C’est la voie du réel pour « sortir de la solitude du coureur de fond » face aux reculs électoraux, à la perte de crédibilité, à l’image d’un parti « contre »… En d’autres termes, une citoyenneté disponible, active et constructive pour un idéal communiste lisible et mobilisateur.
Même la plus belle théorie, le programme le mieux élaboré ne peuvent garantir la voie de cette révolution. Être attentifs à ce qui se dit, à ce qui bouge. Déceler ce qui vient du profond de la société. Scruter, écouter, entendre, voir... telle est la nature du parti du XXIème siècle. Et il n’y a qu’un moyen, qu’une seule posture, c’est de participer, d’en être, de proposer, d’agir. Etre générateur de lien social. Il y va de l’utilité et de l’identité du parti communiste, mise au jour, sur le terrain et ancrée sur le réel.
Il n’y a pas un terrain mais des terrains. Le congrès devra répondre à des questions vitales. Quelles campagnes initier ? Qui décide ? Avec qui les mener ? Et contre qui ? Pour témoigner, pour s’exprimer et pour gagner, pour s’approprier des avoirs, des savoirs, des pouvoirs.
III - Le rassemblement, facteur et résultante de la stratégie
S’il est un sujet qu’il convient de « repenser totalement », qu’il s’agisse de sa nature, de sa finalité ou de sa mise en œuvre, c’est bien celui du rassemblement, réduit souvent à un slogan, rassemblement hélas aux abonnés absents depuis des décennies, hormis les séquences électorales de fronts-cartels occasionnels qui ne durent … que le temps des élections (Cf. 1981 ou 95 et l’ambition du rassemblement citoyen introuvable par l’existence même du gouvernement d’union de la gauche me﷽﷽﷽﷽﷽﷽﷽﷽s à prendre. ne able.réditée. La citoyenneté en l'uvent que des caches sexe des initiatives à prendre. ne ). Il est urgent de refonder une citoyenneté, vraie, investissant tous les lieux de débats et de décisions, de pouvoirs.
Dénoncer les politiques et les responsables ? Certes ! Mais surtout, contribuer à ouvrir des perspectives crédibles de changement et construire avec les citoyens eux mêmes les réponses alternatives. Aucune des composantes et donc pas plus le Parti, ne peut gagner seule, ni même prétendre rassembler majoritairement autour d’elle, a fortiori diriger seule. La « gauche », les citoyens, les gens, les syndicats, la société civile, les compétences disponibles ? Oui, absolument, mais rassembler non pas autour de nous pour diriger, mais nous avec, pour soutenir et construire ensemble.
Ni rallier, ni « rallié » !
Ni statu quo, ni retour à la case départ, ni fusion dans un mouvement invertébré, ni cartel de partis ou d’organisations… Mais un « parti citoyen » pour un « rassemblement – mouvement » pluri-identitaire, multi formes, conjuguant vertical et horizontal, l’un nourrissant l’autre, fort des initiatives citoyennes précisément pour favoriser l’expression et l’engagement de toutes les sensibilités. Cela suppose alors d’en finir avec l’obsession de la verticalité pour mieux assurer la conscience et la responsabilité collectives, en un mot pour faire « du commun » le mode de vie du rassemblement.
…Donc aux antipodes des pratiques et des exigences des dirigeants de la France Insoumise … J.L. Mélenchon a gagné en s’appuyant sur la dynamique « mouvementiste » : il a su utiliser l’aspiration des citoyens à participer à un mouvement en surfant sur la perte de crédibilité des partis, pour mieux être reconnu comme le chef suprême, pour mieux fabriquer une sorte de dictature des idées et des tactiques, s’appuyant sur une « cour partitaire » décidant pour tous.
IV - Pour le Parti, beaucoup à bousculer et à créer !
L’enjeu n’est pas d’abord de « susciter l’adhésion à notre projet »[1], mais bien de construire un projet citoyen nourri des luttes des classes populaires. L’ambition n’est pas de prise de pouvoir pour « le parti d’avant garde ». La « visée communiste » ou le projet de « la France en commun » ne peuvent être brandis comme la vérité révélée, mais au contraire déclinés, mis à jour, corrigés, complétés à partir des attentes et confrontés aux idées des citoyens. La dynamique et la crédibilité de ce rassemblement sont à ce prix.
Il faut inventer, expérimenter et assumer. Loin de viser un club de supporters ou de fans regroupés sur un coup de sifflet pour un vague « renouveau », il s’agit d’ouvrir les voies et les réponses pour transformer la société. Il n’y a pas d’autre chemin que celui de la mobilisation citoyenne, construite pas à pas, lutte par lutte. Et pour avancer ainsi, croiser les expériences, les aspirations, les réponses de chacun, selon son identité. Tous les acteurs sont au pied du mur… pas un mur des lamentations mais bien celui de la conviction, de la mobilisation et de la dynamique ! Pas non plus le feuilleton des donneurs de leçons, insoumis ou non, pour qui tout est toujours de la faute des « autres ». Ainsi de JLM envers les syndicats, « ces rouages, dit il, à l’intérieur d’une réalité qui fonctionne comme un bloc » ! Et à ces rouages, … tous derrière moi et tout ira bien et ceux qui ne veulent pas sont contre moi !!! L’erreur est grossière. « Il ne suffit pas d’éternuer en haut pour que tout le monde s’enrhume en bas »…c’est la volonté de prendre le leadership sur le mouvement social qui pose problème et freine l’action commune et non pas l’articulation entre partis et syndicats.
L’effet pervers de cette position ne doit pas nous empêcher de voir l’état du syndicalisme. Emietté, divisé et confronté à de multiples enjeux, à maints égards inédits, le syndicalisme est jugé par beaucoup inefficace. Ce jugement n’est pas fondé si on en juge par les nombreuses luttes d’entreprises et sectorielles, luttes et résultats très méconnus. Mais comment ne pas noter qu’il n’y a pas de victoire palpable, interprofessionnelle depuis 1968. L’enjeu de la mobilisation des salariés, des citoyens est un défi de notre époque : celui ci dépend pour une large part de l’action convergente entre les organisations syndicales elles mêmes et aussi de la nature des rapports entre les syndicats et la société civile et avec les partis politiques. Mais cela exige d’autant plus le respect de l’identité et de la vocation du syndicalisme en rompant avec la répartition historique des taches où les syndicats seraient considérés comme pourvoyeur d’un mouvement social au service des partis.
Encore faut-il veiller à ne rien simplifier au nom du « tous ensemble ». Certes pour avancer, il faut un rapport de forces gagnant, résultat de mobilisations majoritaires, parmi les salariés et les citoyens. Rassembler c’est évidemment travailler aux convergences, les matérialiser, les afficher… Mais ces convergences, même bien réelles, ne se décrètent pas. Elles se construisent dans la permanence et pas uniquement à l’occasion de telle ou telle manifestation. Elles se matérialisent par les acteurs eux mêmes. Faire converger suppose que plusieurs forces, organisations, groupes citoyens soient eux mêmes en mouvement. L’enjeu n’est pas de fabriquer mais de démultiplier les terrains de lutte pour favoriser leur fédération.
Le temps est venu de ne pas se payer de mots ! Tous les acteurs sont convoqués, tous à gauche ont besoin d’en débattre et pas seulement les organisations politiques, France insoumise comprise, dont les membres sont de plus en plus désappointés, mais aussi les syndicats, les associations et les mouvements, mais surtout les salariés, les citoyens et sans exclusion a priori. Les rôles sont différents mais la complémentarité des responsabilités ne peut conduire à jouer perso. Ni s’ignorer, ni se dissoudre. Discuter d’égal à égal, au grand jour, sans perdre son âme et dans le respect des spécificités, tel est bien l’enjeu Contre la confusion des genres, pour la confrontation des positions, pour la recherche des contenus! et l’organisation d’actions d’ensemble, tel est le tryptique qui fonde cette démarche ! Pour tous il est indispensable de se libérer des attitudes de condescendance, des envies ou des craintes de substitution, d’instrumentalisation, de récupération, de rejeter les idées de liaisons dangereuses entre les uns et les autres, et d’ouvrir la voie à des initiatives communes sur les terrains les plus divers. L’efficacité est précisément dans le respect de l’identité et du droit d’expression de chacun des acteurs.
Citoyenneté, autonomie à tous les étages !
Il y faut une condition, la démocratie tous azimuts, chez nous dans le parti comme à l’extérieur, une démocratie où chacun, chacune se sente disponible, libre, utile. Il y a beaucoup à bousculer quand la démocratie est malade de la primauté, voire de l’exclusivité, de la démocratie représentative, quand l’expression citoyenne est interdite de séjour entre deux séquences électorales. Le déficit démocratique ne cesse de se creuser. La notion d’alternative est introuvable dans les médias et la confrontation démocratique ouvertement rejetée. La citoyenneté apparaît vaine et son exercice introuvable. Ainsi du « coup d’Etat démocratique » que constitue l’élection d’E Macron !
Le rendez vous à ne pas manquer, c’est celui de la « démocratie du quotidien ».
Les salariés, les citoyens revendiquent de plus en plus l’égalité des droits sociaux, pour une démocratie directe en amont, pour co-élaborer des choix alternatifs et aussi pour contrôler leur mise en œuvre. Prétendre à un tel rassemblement, c’est revisiter les pratiques et les modes d’expression pour une démocratie de masse forte « d’une émancipation militante », pour une intervention de « chacun sur la chose de chacun ». Sur ce plan, il n’y a pas de sujets mineurs a priori. N’y a-t-il pas alors des « essais » à assumer, de débats, d’échanges d’expériences, de confrontation, d’articulation entre social, économique et politique, et aussi de recherche d’initiatives convergentes ou communes, pour gagner la crédibilité de l’alternative ?
Nous avons tous à apprendre : le droit, l’exigence à l’expérimentation frappent à la porte ! L’efficacité dépend d’abord du lien gagné avec les populations et les citoyens. Pièce maitresse de la « révolution » du PCF, interpellation pour un « parti citoyen » des classes populaires, tel est bien ce chemin de « l’appropriation sociale » pour une ambition commune de transformation sociale, pour « l’émancipation par les travailleurs eux mêmes ».
[1] Cf. Questionnaire de consultation, « sens et actualité du combat communiste »
Gérard Alezard
Paris XVème Garibaldi
22 mars 2018