Elections Européennes 2019 - Congrès PCF

Un projet révolutionnaire et solidaire pour l’Europe

Depuis la fin des années 1980, les libéraux n’ont jamais cessé leurs offensives idéologiques, et leurs victoires politiques sont nombreuses depuis la chute du bloc soviétique. Ces victoires ont été d’autant plus faciles pour nos adversaires qu’aucun retour critique et honnête de la part des communistes français et européens n’a été réellement mené sur l’échec notoire de l’expérience soviétique. Encore aujourd’hui, différentes appréciations erronées de cette période historique s’affrontent : celle qui tend à minorer voire renier totalement les conquêtes et l’histoire du mouvement communiste, voire le communisme tout entier sous couvert d’échec du soviétisme ; et celle qui se refuse à voir les errements et les fautes politiques majeures de l'expérience soviétique, notamment quant aux restrictions de libertés fondamentales et aux parodies de démocratie. Ces deux perspectives mènent autant à une fuite en avant néfaste : la première amène les communistes français à avoir un projet au rabais sur les questions européennes, la seconde folklorise les enjeux politiques et a un effet repoussoir délétère sur les travailleurs et les forces progressistes. Ces approches tronquées ont un point commun : l’internationalisme à géométrie variable à l’échelle européenne. C’est celle qui consiste se vouloir se démarquer des communistes portugais sans raison valable, à soutenir le KPU de manière trop timorée avant son interdiction, à soutenir Podemos au lieu d’Izquierda Unida sans regard critique sur les deux, ou encore à s’enthousiasmer ou à critiquer trop facilement des mouvements sociaux-démocrates radicalisés sans tenir nécessairement compte des contradictions à l’œuvre dans le pays concerné. Cet internationalisme à géométrie variable qui touche le mouvement communiste concourt au morcellement des forces révolutionnaires et progressistes d’Europe. Plus largement, ce sont des analyses idéalistes qui ont le vent en poupe comme celle des « 99% », d’une UE « sociale » ou encore de la possibilité d’actions spontanées à l’échelle européenne. Dans les faits, les inégalités et l’accaparement des richesses renforcés par les capitalistes d’Europe et leurs relais politiques appuient au contraire la pertinence de l’analyse marxiste, où les classes sociales ont une place et un rôle politique particulier. Qui plus est, loin d’être une fédération, l’Union Européenne est avant tout une coordination des Etats capitalistes européens dont leurs intérêts peuvent diverger, et les libéraux et conservateurs au pouvoir accordent un rôle particulier à l’échelon national : ils le dépassent partiellement, tout en continuant d’y agir pour impulser leurs politiques, y compris celles concertées ouvertement au niveau européen. Dans ce sens, l’échelon national reste un lieu d’actions politique majeur et le cadre européen est devenu incontournable dans le cadre de la mondialisation capitaliste. La crise capitaliste entamée en 2007-2008 a renforcé les contradictions à l’œuvre, et cela été l’occasion pour les libéraux d’appuyer les revendications des patronats d’Europe au travers de politiques visant à l’accumulation et à la concentration de richesses, et dans le même temps les attaques répétées contre les travailleurs, leurs libertés syndicales et leur place dans l’espace politique. Loin de favoriser notre camp, ces attaques ont renforcé les forces libérales, conservatrices et réactionnaires ainsi que l’émergence de forces nouvelles souvent ambigües et pouvant même accompagner les premières. En France comme en Europe, c’est le fédéralisme d’une part, et les différents avatars du souverainisme d’autre part qui nous sont imposés dans le champ politique, alors que ce sont autant de fuites en avant qui ne répondront pas aux besoins immédiats et à long-terme des travailleurs de France et d’Europe. Le fédéralisme accru ne ferait qu’accroître l’emprise politique des forces les plus droitières sur le continent ; le souverainisme n’est que la réaction politique à ce projet fédéraliste et est tout aussi droitière, voire plus, que le fédéralisme. Ce souverainisme rencontre bonne presse depuis peu dans le mouvement communiste et progressiste, et pourtant celui ne répond ni aux enjeux démocratiques, ni aux enjeux de classe. En ce sens, fédéralisme et souverainisme sont des impasses, des modèles en opposition frontale avec un projet communiste en Europe. La question démocratique est trop posée en termes idéalistes et tronquées par les autres forces politiques : en réalité, la première des démocraties doit être sur les lieux de travail et dans les quartiers, non pas à l’échelon national ou européen. Les libertés politiques et syndicales au travail, et les batailles pour la justice sociale qu’elles sous-tendent, doivent être nécessairement le point de départ d’un projet communiste ambitieux pour une Europe des travailleurs. En outre, ce n’est pas une opposition entre échelons qui doit être faite (local contre national, local contre européen, national contre européen) mais une articulation de ces différents échelons d’actions politiques pour permettre de porter les batailles politiques pour les libertés et la justice sociale. Là où les technocrates se sont imposés pour verrouiller progressivement leur modèle capitaliste à tous les échelons, le politique doit s’engouffrer et s’imposer pour faire gagner un projet révolutionnaire, et ce sont des liens forts qui sont à construire avec les forces communistes et progressistes du continent, et au-delà au niveau mondial. Le PCF, force historique du mouvement ouvrier et principal parti communiste d’Europe, a les capacités d’entrainer et de tirer vers le haut – sans ingérences – une part importante du mouvement révolutionnaire et progressiste d’Europe. Notre engagement passé et présent pour les libertés et la justice sociale, le rajeunissement de notre parti sont également autant d’atouts dans ce sens. Cela ne pourra se faire que s’il dispose d’un projet européen clair et cohérent avec celui pour la France. Un tel projet devrait donc se restreindre dans l’immédiat et dans la perspective d’élections européennes à des axes centraux : défendre et étendre les droits des travailleurs en Europe, promouvoir les services publics, assurer une politique migratoire progressiste. Avec ce projet, fédéralistes et souverainistes rétorqueront à souhait que les traités priment : c’est là se situe leur erreur politique majeure. La politique doit primer sur le juridique et le technique, ces dernières devant être ses traductions formelles. Dans le cadre actuel qui est défavorable aux travailleurs, le droit nous l’est également ; c’est l’action politique, les mouvements sociaux, les interventions citoyennes qui doivent permettre de braver, de contourner, et de transformer le droit et les traités. La sortie de l’UE ne saurait être l’alpha et l’oméga d’un projet communiste ; d’autres options doivent être mises sur la table, par exemple : modalités d’actions à court-terme au sein de l’UE, création de nouveaux espaces européens par la lutte sociale et dans le cadre d'une accession effective du PCF au pouvoir, renforcement durable des liens avec les forces révolutionnaires et progressistes d’Europe, dissolution de l’UE si et seulement si un réel espace européen de coopération entre Etats au service des travailleurs voie le jour et s’y substitue grâce à nos actions politiques de long-terme. Penser le projet, c’est aussi penser une stratégie, une tactique, et de fait ce sont autant de paramètres qui doivent amener à penser notre militantisme local et national en lien avec l’échelon européen. Cela suppose de faire l’Europe une question politique concrète. Autrement dit, il s’agit d’affirmer plus ouvertement notre soutien aux luttes syndicales et politiques pour les droits des travailleurs, pour les libertés à travers le continent. Communiqués, actions sur les réseaux sociaux, tracts, pétitions sont autant d’outils simples et efficaces pour informer et construire des solidarités entre travailleurs d’Europe. Militer au 21ème siècle en Europe, c’est aussi soutenir différemment et agir en réseau : le national ne peut être le seul échelon de convergence, et chaque communiste doit être encouragé à faire remonter de manière coordonnée vers le secteur Europe du PCF les échos des luttes sociales qui ont lieu ailleurs en Europe pour plus de réactivité, et pour une meilleure audience de nos propositions sur les lieux de travail, dans l’espace citoyen, dans les médias, et au-delà des frontières nationales. Nous devons aussi briser les clichés et tendre la main aux forces révolutionnaires et progressistes qui luttent avec courage dans des pays ultralibéraux comme l’Irlande et la Grande-Bretagne. En ce sens, nous devons aussi poser la question de la pertinence de l’adhésion du PCF au Parti de la Gauche Européenne et à la Gauche Unitaire Européenne et soumettre au débat les désaffiliations respectives, et également mettre en discussion la création et le développement de nouveaux espaces d’échanges européens entre forces communistes et progressistes. Alors que la résignation gagne toujours plus de terrain, le PCF doit être la force qui unit, qui redonne espoir, qui affirme l’enjeu de la lutte des classes et la pertinence d’un clivage gauche-droite renouvelé sur tout le continent. Là où de nombreuses forces politiques veulent nous enfermer dans des projets éculés, nous pouvons être la force centrale qui ose porter un projet révolutionnaire, qui permet plus que jamais aux travailleurs de conquérir la démocratie et la justice sociale à tous les échelons du continent, et par là redonner sens à la solidarité internationale.