Nouveaux modèles d'organisation - Congrès PCF

Une révolution démocratique (partie 1)

Le constat a déjà été développé à de multiples reprises, notre parti a besoin de se révolutionner. Voici mes propositions, développées dans le cadre suivant : • La forme « parti » est la mieux adaptée à notre combat révolutionnaire. • Opérer une révolution démocratique et numérique. • Faire évoluer nos pratiques militantes et notre rapport aux autres. • Créer les conditions d’un rassemblement populaire progressiste ouvert. Une révolution démocratique dans le parti. 1. Un accès pour tous à l’information et au savoir. Il n’y a pas de démocratie sans accès de tous à l’information et au savoir. Nous avons donc besoin de multiplier les sessions de formation et les conférences-débats partout en France, de façon à ce qu’un maximum de camarades puissent y participer. Dans mon département, on a généralement une à deux sessions de formation par an, le week-end et au siège de la fédé, ainsi que quelques conférences - débats organisées le plus souvent dans la zone littorale la plus peuplée, et donc loin des secteurs ruraux intérieurs comme de la partie orientale du département. Ces paramètres d’organisation impliquent plusieurs limitations majeures à la participation de nombreux camarades : • La centralisation systématique de ces initiatives place de nombreux camarades jusqu’à plus de 100 km, et une heure et demi de voiture, de ces moments d’échange et d’information. • Le fait de concentrer les sessions de formation sur le week-end, du samedi matin au dimanche après-midi, pose de gros problèmes à de nombreux camarades actifs, qui n’ont que le week-end pour assumer certaines obligations domestiques. C’est particulièrement exclusif pour les femmes, d’autant plus si elles sont mères de jeunes enfants. Qu’on le veuille ou non, ce sont encore elles qui ont le plus de mal à se libérer des obligations familiales sur un week-end complet. • Les assistances nombreuses sont un frein important à l’expression de beaucoup de camarades. Pour pallier ces problèmes et permettre la multiplication aussi bien des formations que des conférences - débats, qui présentent l’intérêt d’attirer des publics que l’on ne connait pas forcément et d’enrichir les connaissances de chacun quand l’intervenant est de qualité, je fais les quelques propositions suivantes : ➡ Il est indispensable d’organiser des formations en différents points des départements, afin de les rendre plus accessibles à tous les camarades. ➡ Autant que possible, il faut faire tourner les lieux de tenue de ces formations afin que, d’une année sur l’autre, ce ne soient pas les mêmes camarades qui soient directement à proximité et pour que ces évènements mobilisateurs stimulent des sections différentes. ➡ En supplément des formations concentrées sur le week-end, je propose de développer des formations éclatées sur plusieurs jours avec, par exemple, trois demi- journées réparties sur trois week-end ou six séances de 2H à 2H30 sur six soirs différents. ➡ Afin de répondre au besoin énorme de formation tout en garantissant partout des intervenants de qualité, je propose de développer l’utilisation de la visioconférence pour que deux ou trois sections différentes puissent profiter de la même formation. ➡ Des sessions de formation pourraient être enregistrées et les vidéos mises à disposition sur le site du parti, permettant à des sections d’organiser des visionnages collectifs sur les thématiques qu’elles souhaitent. ➡ Il faut mettre en place, dans les fédérations comme au national, les appuis nécessaires aux sections pour qu’elles puissent organiser, de façon massive, des conférences - débats avec des intervenants de qualité. ➡ Toutes les conférences - débats (locales ou nationales) doivent être filmées et les vidéos mises à disposition sur internet, par thématiques, afin que chacun puisse en profiter et que des sections puissent organiser des visionnages collectifs. ➡ Toutes les conférences de l’université d’été doivent être filmées et mises à disposition sur le site du parti. La même chose doit être faite pour les débats de la fête de l’Humanité, auxquels de nombreux camarades ne peuvent pas assister, soit parce qu’ils n’ont pu se rendre à la fête, soit parce qu’ils ont tenu un stand. 2. Des réunions organisées pour l’implication de tous. Je suis entièrement d’accord avec le contenu de la contribution de Bernard Cois, intitulée « Réajuster nos pratiques internes aux évolutions sociétales ». Nous devons changer le déroulement de nos réunions. Le long rapport introductif, qui fait le tour exhaustif de la situation, en pointant ce qui ne va pas et ce qu’il faut en penser, suivi d’une discussion monopolisée par les quelques camarades dont la parole est la plus facile, c’est sclérosant, démobilisateur, et ça favorise la délégation de pouvoir et le désintérêt. Nous avons besoin que chaque camarade vienne à ses réunions non pas comme un consommateur adepte de la délégation de pouvoir, mais comme un acteur d’une réflexion collective riche et contradictoire, pour laquelle il s’est (si possible) préparé à l’avance en réfléchissant au sujet et en se documentant, et dans laquelle il se sent écouté, respecté et pris en compte. Pour cela, comme l’expose Bernard Cois, il faut changer nos pratiques : • l’invitation doit avoir un ordre du jour complété de questions, de documents ou d’éléments permettant et incitant chacun à entamer la réflexion avant la réunion. • lors de la réunion, il faut abolir le rapport introductif et organiser le travail par petits groupes, discutant et analysant la situation, libres d’aborder tout ou partie des points à l’ordre du jour, pouvant soulever des points supplémentaires, proposant des actions ou des initiatives. • enfin, un retour tous ensemble, permettant aux rapporteurs désignés par chaque groupe de rendre compte des discussions et des propositions, et où les décisions sont prises démocratiquement. Dans un tel fonctionnement, chacun peut avoir beaucoup plus sa place, participer, s’impliquer. L’intelligence est plus collective, l’enrichissement personnel est plus généralisé et la délégation de pouvoir recule. 3. Horizontalité et centralité. Comme l’a dit un sociologue, notre parti est le plus décentralisé qui existe aujourd’hui. Chaque section peut, si elle le désire, vivre sa vie dans son secteur, produire son matériel d’information propre, mener les initiatives qu’elle veut et s’engager ou non dans les actions décidées nationalement ou départementalement. Cellules et sections peuvent être des lieux de débat, de réflexion, de protestation ou de propositions tout à fait fertiles et démocratiques. Mais dans le même temps, chaque section peut se retrouver très isolée du reste du parti. Partout en France, on ré-invente peu ou prou les mêmes tracts. Les mêmes initiatives sont réalisées dans de multiples sections sans que l’expérience des unes puisse servir aux autres. Des idées, des voeux sont émis en direction des « étages supérieurs » sans qu’aucun retour ne vienne jamais. Lors des congrès, le travail sérieux de réflexion et d’élaboration d’amendements fait dans les sections, peut être balayé au niveau départemental, lors d’un examen à la va-vite, par des délégués fatigués et pressés par le temps, ou ne jamais apparaitre au niveau national. A l’inverse, des initiatives nationales ou départementales ayant demandé du temps de préparation et de l’argent peuvent faire un énorme flop parce qu’elles ne correspondent pas aux préoccupations de la base, ou arrivent au mauvais moment. Nous vivons une situation d’énorme gaspillage de temps, d’énergie, de moyens, ainsi que de non respect du travail et de l’opinion de chacun, par manque de communication, et surtout par manque de communication horizontale. Pour que chacun compte pour un, pour dépasser les filtres décisionnels qui font qu’une bonne idée peut se perdre parce qu’un intermédiaire n’a pas vu l’intérêt de la faire remonter, pour mobiliser toute l’intelligence collective des communistes, pour arrêter de perdre notre temps à réinventer les mêmes outils, à refaire les mêmes erreurs, nous avons besoin d’une horizontalité de l’échange, de la réflexion et d’au moins une partie de la décision. Aujourd’hui, les outils numériques permettent cette horizontalité grâce au développement de plateformes de discussion. Et c’est d’une plateforme nationale dont nous avons besoin pour permettre la mise en relation, l’échange, la discussion directe entre les sections, au niveau d’un département et au niveau national. Bien sur, cette plateforme doit être structurée pour pouvoir être un outil efficace. Elle pourrait, par exemple, être sectorisée par thématiques. Il pourrait y avoir une partie « alerte », pour tout ce qui nécessite une réponse urgente ou une attention particulière. Une partie « coup de gueule » pourrait permettre d’exprimer des mécontentements. Les idées nouvelles soumises à la réflexion pourraient constituer la catégorie « nouveauté ». Une catégorie pourrait permettre de présenter les luttes et les initiatives originales réalisées; une catégorie « ressources » où l’on pourrait mettre à disposition de tous tracts, affiches ou autre matériel. Une partie « débats » pourrait être subdivisée par thèmes politiques, sociaux ou sociétaux. Une zone « décisions » pourrait permettre de recevoir les votes des sections... La consultation de la plateforme pourrait être ouverte à tous les camarades (et peut-être au delà) mais, de façon à éviter l’engorgement de la plateforme par une éventuelle multitude de contributions individuelles, la rédaction de contributions pourrait être limitée aux sections. Cette limitation aurait pour double effet de favoriser la réflexion collective et d’intégrer les camarades n’ayant pas internet à la vie de la plateforme. A ce bouillonnement, cette mobilisation de l’intelligence collective, cette démocratie horizontale, il me semble indispensable d’associer une certaine dose de ce que Lucien Sève appèle « centralité » verticale, pour en optimiser le fonctionnement. Il ne s’agit pas de diriger, de contrôler, mais plutôt de stimuler, d’inciter, de synthétiser, de questionner, d’aider, de suggérer et aussi d’assurer à la fois bonne communication et coordination entre les adhérents et ceux qui les représentent aux niveaux départemental et national. Il faut donc des « modérateurs » pour chaque thématique, dont le rôle serait de stimuler le débat pour qu’il soit le plus large possible, de le structurer et de le synthétiser. Ils pourraient également aider les camarades dans leur recherche d’informations pour rédiger des tracts ou préparer des initiatives. Il faut aussi un moyen d’alerte qui permette aux centralités d’avertir les responsables locaux sur l’urgence d’un sujet à traiter. A l’inverse, il faut aux sections un moyen de montrer aux modérateurs et aux centralités l’importance qu’elles accordent à une idée, une contribution, peut-être par un système de notation qui détermine le degrés d’attention que les sections estiment nécessaire d’accorder. 4. Dépasser le vote majoritaire Nous avons toujours fonctionné en prenant des décisions à la majorité des votants exprimés. Pourtant, nous ne nous privons pas de dire que la légitimité de Macron ne repose que sur 18% des inscrits et qu’avec une abstention grandissante le vote majoritaire ne veut plus dire grand chose. D’autre part, j’entends beaucoup de camarades exprimer un vif mécontentement après l’épisode du choix de notre candidat à la présidentielle de 2017, où une très courte majorité d’adhérents a fait le choix inverse d’une courte majorité de délégués à la conférence nationale. N’est-il pas aberrant de pratiquer ce que nous critiquons ? Et puis, jusqu’à quand pourrons- nous éviter la scission si nous acceptons qu’une petite majorité d’entre nous impose son point de vue à une grande minorité d’entre nous ? Je propose que des règles nouvelles de prise de décisions soient instaurées à tous les niveaux de notre parti. Tout d’abord, il me semble nécessaire que, à chaque fois que cela peut-être fait, les décisions soient prises sur la base d’un consensus de tous les participants, plutôt que d’un vote. Cela permet d’éviter les clivages et de prendre en compte l’avis de chacun. Ensuite, je propose que tous les votes se fassent sur la base d’une majorité qualifiée, dont le seuil est à définir (60%, 66%, autre ?). Il me semble également indispensable de prendre en compte, dans les résultats des scrutins, l’abstention et les votes blancs ou nuls. Les votes blancs ou nuls car ils expriment le refus d’un choix qui ne convient pas à leurs auteurs. Ils ont donc une signification qu’il n’y a aucune raison d’ignorer. L’abstention car elle peut également être le reflet d’un désaccord ou d’un désintérêt. Faire fi des absents pour prendre des décisions importantes ou clivantes, c’est les exclure de la vie de la section, leur nier le droit à la parole. La prise en compte des abstentionnistes ne me semble cependant pas simple à faire. On ne peut considérer sur le même plan l’avis d’un camarade qui a participé à une discussion collective, avec prise en compte d’arguments contradictoire, et celui d’un camarade qui n’a pas enrichi son opinion de l’apport des autres. Je pense qu’il est nécessaire de réfléchir à cette question, afin qu’un maximum de camarades se sentent compter pour un dans notre parti. 5. Le rôle des représentants Dirigeants, directions, cela fait bien sur référence à diriger. Et je pense qu’une grande partie des camarades ne veulent plus être dirigés. Nous voulons être représentés, et donc d’abord informés, sollicités, écoutés et consultés. Mais aussi aidés et soutenus. Dans ce domaine encore, nous appliquons le même fonctionnement que celui que nous critiquons au niveau de l’Etat. Si les Français sont aujourd’hui prêts à accepter une réduction d’un tiers des députés, c’est bien parce que, dans leur ensemble, ces derniers ne nous représentent plus et font des lois sans se soucier de l’avis des électeurs, voire contre cet avis. Et nous, comment faisons-nous fonctionner nos conseils départementaux et nationaux ? La direction fait des propositions, qui sont débattues par les élus aux conseils et des décisions sont prises, dont on informe les adhérents. Autrement dit, nos élus ne nous représentent pas, ils ne transmettent pas notre avis, mais décident suivant leur opinion personnelle et, le cas échéant désormais, de façon très tranchée suivant le courant politique qu’ils représentent au sein du parti. Quant aux adhérents, ils sont mis devant le fait accompli. Il faut inverser cette logique. Bien sur pas pour l’intégralité des décisions, tout ce qui concerne la routine ne nécessite pas la consultation de tous les adhérents. Mais les décisions importantes, stratégiques, doivent d’abord être soumises à la réflexion collective et nos élus aux différents conseils doivent ensuite y porter l’avis des adhérents de leur secteur. La mise en place d’une plateforme internet aiderait beaucoup à ce fonctionnement. Pousser plus loin cette logique d’appliquer chez nous ce que nous préconisons pour la société, c’est aussi rendre effectives les limitations de mandats qui font déjà partie de nos statuts. Bien sur, il y a des endroits où le peu de forces vives rend une rotation des représentants impossible. Nos représentants ne doivent pas devenir des professionnels de la politique coupés des réalités de la vie et du terrain. Il me semble indispensable que nos secrétaires nationaux et départementaux, nos maires, nos conseillers départementaux et régionaux, nos députés et sénateurs conservent toujours, malgré leur charge de travail, un temps non négligeable de militantisme de base, sur le terrain. Porte-à-porte, distribution de tracts, signature de pétitions, chaque communiste, quelque soit son rôle, doit conserver le contact avec nos compatriotes et la vie réelle. C’est peut-être symbolique, mais je propose que nos responsables, à tous les niveaux, perdent le nom de secrétaire pour devenir des Porte-parole. C’est ce qu’ils doivent être, alors pourquoi ne pas les appeler ainsi ? 6. Un engagement à la mesure de chacun De nombreux camarades n’ont que peu de temps à consacrer au militantisme. Certains ne veulent pas être identifiés comme communiste dans leur quartier ou leur entreprise. D’autres ne se sentent pas à l’aise pour faire du porte à porte ou discuter avec les gens. Bref, il y a tout un tas de raisons pour lesquelles l’engagement militant peut varier considérablement d’un camarade à un autre. Plutôt que d’être insistant et d’essayer de faire participer des camarades à des initiatives qu’ils redoutent, avec le risque qu’ils s’éloignent de nous pour ne plus être soumis à ce genre d’obligations, ce serait beaucoup plus fructueux d’adapter les propositions d’actions à ce que les camarades se sentent en capacité à faire. Il faut consulter les camarades individuellement, leur demander quelles sont leurs disponibilités, leur présenter les différentes activités possibles, leur demander ce qu’ils ont envie de faire, leur proposer des formations leur permettant d’acquérir plus d’aisance dans les activités militantes qu’ils veulent avoir, voir avec eux quelles sont les conditions de leurs participations aux réunions et aux activités collectives... Il faut mettre la cellule ou la section à portée de chacun. Pour cela, nous avons aussi besoin d’échanges d’expériences entre sections, de formation des animateurs de sections sur la question de l’optimisation de la participation de tous. Peut-être faut-il aussi organiser des cellules non pas sur des critères géographiques, mais sur des critères de disponibilité. Par exemple, certains camarades actifs n’ont pas de disponibilité pour les réunions avant le diner, alors que d’autres ne peuvent veiller tard. Faut-il perdre la participation de certains à cause de choix horaires, ou bien permettre à tous de s’impliquer en organisant les cellules sur la base des disponibilités ? Enfin, pour que les membres d’un groupe se sentent bien ensemble, qu’ils aient envie de participer à des activités communes pas toujours enthousiasmantes, il faut aussi qu’il y ait des moments de détente, de plaisir, de complicité. Nous avons besoin de multiplier les moments conviviaux, au sein du parti et en les ouvrant vers l’extérieur. La suite dans : Une révolution démocratique (partie 2)